Le Journal de Quebec

Trente-huit ans sur le bol

- RICHARD MARTINEAU richard.martineau @quebecorme­dia.com

Il y a une expression anglaise que j’aime bien, même si elle est assez vulgaire, merci. « Shit or get off the pot. » Fais tes besoins ou sors de la toilette. Un ou l’autre.

Ne reste pas assis sur le bol à regarder le plafond.

Fais ce que tu as à faire, et débarrasse.

LES AVENTURES DE TANGUY

Malheureus­ement, au Québec, on niaise.

Ça fait 38 ans qu’on passe nos journées assis sur le bol à ne rien faire.

On n’aime pas le multicultu­ralisme canadien, on trouve que la Charte des droits et libertés est un carcan qui nous empêche de vivre comme on le voudrait, notre conception de l’état-nation et du vivre-ensemble ne ressemble absolument pas à celle mise de l’avant par le gouverneme­nt canadien, mais on refuse de sacrer le camp et de construire un pays à notre image.

On préfère rester au sein du Canada et chialer.

Au lieu de faire nos bagages et de prendre un appartemen­t, on reste chez papa-maman et on gueule.

« Hon ! c’est donc effrayant, la Charte des droits et libertés créée par Trudeau père et vénérée par Trudeau fils qui nous empêche d’interdire le port de signes religieux ostentatoi­res dans la police ! » Bien oui, c’est ça, le Canada. Ça ne fait pas ton affaire ? Alors, tire les conclusion­s qui s’imposent et lève les feutres ! Mais non. On reste là, tel Tanguy, évaché sur le sofa du sous-sol.

Après tout, il y a le câble, chez papa-maman. Internet sans fil, une grosse télé plasma, une cave à vin, une piscine chauffée.

Si je partais, je n’aurais peut-être pas tout ça. Pas les premières années, en tout cas. Alors je reste. Jusqu’au jour où…

UNE MENACE INOFFENSIV­E

Mais ce jour n’arrive jamais.

Les années passent, et on est toujours là, un sac de Doritos entre les cuisses. On colle, on s’incruste. Si au moins on restait et on acceptait les règles de la maison, ça serait bien, mais non. On reste et on chiale.

Trop fier pour prendre notre trou, pas assez courageux pour sacrer le camp.

Et chaque fois que quelque chose ne fait pas notre affaire, on sort la même phrase : « Si vous continuez comme ça, on va se séparer ! »

Mais après 38 ans à japper sans mordre, plus personne ne croit à cette menace. Même nous, on n’y croit pas une seconde.

On a multiplié les partis séparatist­es pour être sûr qu’on ne se séparera jamais !

On garde la menace séparatist­e en vie, mais elle est tellement faible, tellement inoffensiv­e qu’elle ne fait plus peur à personne.

Comme un vieux chien fatigué qui ne se lève même plus quand ça sonne à la porte.

Au lieu de partir, on reste et on chiale…

LE CUL ENTRE DEUX CHAISES

Osons le dire : le Québec est pathétique.

On est arrivé à un carrefour, mais on refuse de choisir.

Embrasser le Canada ? Hmmmm, non.

Emprunter la voie de la souveraine­té ? Hmmmm, non plus. Alors quoi ? Alors rien. On reste là, les bras croisés et le cul entre deux chaises.

On ne veut pas être une province comme les autres, mais on ne veut pas être un pays.

Assis sur le bol à contempler la tapisserie.

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