Le Journal de Quebec

Un travail pour se sentir à sa place

- HUGO DUCHAINE

Pierre Barbe avait peur d’aller travailler, d’être ridiculisé par ses collègues et de ne pas pouvoir faire ce qu’on lui demanderai­t. Jusqu’à ce qu’il trouve sa place chez Coforce, où 29 ans plus tard, il est chef d’équipe et compte même plus d’ancienneté que sa supérieure.

« Mais si j’étais resté chez moi, je n’aurais pas eu une si belle vie », souffle l’homme de 55 ans.

« Il y a beaucoup de petites victoires ici », se réjouit la contremaît­resse Monique Proulx qui guide les employés dans l’usine.

« [Travailler] leur donne une vie, de l’autonomie et de la confiance en soi », dit-elle, ajoutant qu’elle les voit arriver timides dans l’usine, puis prendre leur place.

Coforce est un organisme sans but lucratif à Montréal. L’usine compte 60 % de personnes vivant avec une déficience, dont le salaire est subvention­né en partie par le gouverneme­nt. Elle obtient notamment des contrats pour de l’entretien ménager ou des travaux d’archivage de dossiers.

Pour le directeur général Sébastien Richer, l’objectif est toujours de s’assurer que les contrats peuvent être réalisés dans des délais raisonnabl­es, qui ne mettront pas de stress sur ses 173 employés qui ont plus de difficulté à le gérer.

« Je suis à ma place ici », lance avec confiance Gaby Arvisais, chez Coforce depuis 12 ans. Sa déficience intellectu­elle légère lui donne un rythme de travail plus lent, mais ici c’est accepté, dit-elle. Elle sait qu’elle peut coller 50 cartables à l’heure sans être jugée par ceux qui en font une centaine.

SE SENTIR ACCEPTÉ

« Quand tu dis que tu es schizophrè­ne, les employeurs te répondent qu’ils n’ont plus de place », soutient Keitel Audate, aussi employé chez Coforce.

Il a longtemps vécu de l’aide sociale et a eu quelques boulots comme préposé aux bénéficiai­res, avant de trouver l’employeur qui lui convenait et qui l’acceptait.

Monique Proulx estime que le travail brise aussi les tabous. Par exemple, elle n’hésite pas à envoyer Keitel Audate sur la route près de six mois par année avec des collègues pour installer des filets dans les pentes de ski du Québec où se tiennent des compétitio­ns. Elle sait qu’il prend ses médicament­s et a une pleine confiance en lui après huit ans à ses côtés.

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PHOTO CHANTAL POIRIER Pierre Barbe (à gauche) et Keitel Audate (à droite) se sentent acceptés chez Coforce.

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