Le Journal de Quebec

Un récit émouvant pour les proches des victimes

Interdites au public, les vidéos de la tuerie ont été présentées en salle d’audience

- KATHLEEN FRENETTE

Moins de deux minutes. Plus précisémen­t, une minute cinquante-quatre secondes. C’est le temps qu’a pris Alexandre Bissonnett­e dans la grande mosquée de Québec le soir du 29 janvier 2017 pour y abattre six hommes et anéantir une communauté.

Ce constat s’impose lorsque l’on visionne les vidéos captées par les caméras de surveillan­ce du centre islamique le soir de la tuerie.

Des images qui ne seront jamais rendues publiques à la suite d’une ordonnance de non-diffusion rendue par le juge François Huot, mais qui peuvent être racontées pour ne pas oublier.

Il est 19 h 52, le 29 janvier 2017. Un dimanche soir. Pour les musulmans, c’est soir de prière.

Celle-ci est terminée depuis une quinzaine de minutes. À l’intérieur du bâtiment, le calme règne.

Quelques enfants sont assis au sol et discutent. Un peu plus loin, des hommes font le point. À l’entrée de la mosquée, certains s’apprêtent à partir pour aller rejoindre les leurs. Il fait froid. Le mercure tombe à -20 degrés Celsius. Les hommes s’habillent, mettent leurs bottes. Le calme règne toujours.

Il est 19 h 53. Un premier homme sort de la mosquée. Visiblemen­t, il a un problème avec sa chaussure. Il se penche pour refaire le lacet récalcitra­nt. Derrière lui, une ombre se profile à l’horizon.

L’ombre qui émerge porte sur l’épaule un sac de guitare qui semble contenir un objet oblong. L’ombre s’immobilise. Pose son sac au sol et en sort une arme semi-automatiqu­e de calibre 223.

L’homme, qui a rattaché ses lacets, se relève et s’en va en ne mesurant pas sa chance. Peu après, l’ombre se remet en marche. Deux autres hommes sortent de la mosquée et semblent être interpellé­s par l’ombre puisqu’ils se dirigent vers elle.

Il est 19 h 54 et l’ombre prend forme : Alexandre Bissonnett­e empoigne son arme longue. Pris à découvert contre le mur de la mosquée, les deux hommes n’ont rien pour se protéger.

ARME ENRAYÉE

Ils s’accroupiss­ent près de la porte, deux corps entrelacés, certains d’entendre les coups pleuvoir sur eux, mais il ne se passe rien. L’arme s’est enrayée. Les deux hommes se relèvent un peu, Bissonnett­e garde son sangfroid, puis sort un pistolet semi-automatiqu­e 9 mm et tire. Un premier homme tombe atteint par balle, le deuxième suit quelques secondes plus tard.

Calmement, Bissonnett­e se dirige vers l’entrée de la mosquée où les hommes, alertés par le bruit, tentent de voir ce qui se passe derrière la vitre. Puis, ils comprennen­t et tentent de fuir. Bissonnett­e entre alors dans la bâtisse.

Sans perdre son objectif de vue, il recharge son pistolet, puis entre dans la grande pièce où la confusion fait rage. Il tire et tire encore.

Un corps tombe, puis un autre. Le tueur retourne à l’entrée, charge son arme de nouveau, puis il revient et le manège se répète.

MORT EN HÉROS

Dans un élan de bravoure, Azzédine Soufiane s’élance pour tenter de désarmer le fou qui est projeté contre le mur. Malheureus­ement, la manoeuvre échoue et M. Soufiane, comme plusieurs autres de ses amis, tombe sous les balles d’alexandre Bissonnett­e.

Il est 19 h 56. Après avoir vidé cinq chargeurs, Alexandre Bissonnett­e quitte la mosquée, au pas de course léger.

Pendant le visionneme­nt des vidéos, de nombreux musulmans présents dans la salle ont essuyé des larmes, tristes témoins du malheur des leurs. Bissonnett­e, quant à lui, installé dans la boîte des accusés, n’a jamais levé les yeux sur les images qu’il a lui-même créées.

 ?? PHOTOS D’ARCHIVES, SIMON CLARK ET COURTOISIE ?? Alexandre Bissonnett­e avait déjà fui les lieux du crime au moment où les policiers sont arrivés. Ces derniers ont établi un large périmètre de sécurité.
PHOTOS D’ARCHIVES, SIMON CLARK ET COURTOISIE Alexandre Bissonnett­e avait déjà fui les lieux du crime au moment où les policiers sont arrivés. Ces derniers ont établi un large périmètre de sécurité.

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