Une guerre étouffante
L’utilisation d’armes chimiques est un mystère. Les dictatures, forces militaires ou simples gouvernements qui se sont laissé tenter par ce type d’armements n’en sont jamais sortis glorifiés. Et pourtant, ces nuages toxiques réapparaissent encore et encore.
Avec les raids de vendredi soir (hier matin, en Syrie), Bachar al-assad s’est, une nouvelle fois, fait taper sur les doigts pour le bombardement à l’arme chimique de ses propres citoyens. Pas sûr qu’il en tirera une meilleure leçon que l’année dernière, presque à pareille date, lorsque les États-unis avaient pilonné une de ses bases aériennes en représailles au massacre d’une centaine de personnes à Khan Cheikhoun.
On le voit dans les documentaires qui sont produits et les récits que les éditeurs continuent de publier, les guerres, les grandes batailles et les combattants qui les ont menées continuent de susciter de la fascination. Personne – à part, sûrement, quelques psychopathes – n’exprime toutefois d’admiration pour ces attaques au gaz qui ont laissé civils et militaires suffocants au sol.
Par sa capacité à faire un grand nombre de victimes d’un seul coup, l’armement chimique s’inscrit dans la catégorie des armes de destruction massive.
UN SIÈCLE À S’EMPOISONNER L’AIR
Du gaz moutarde employé par les Allemands à Ypres pendant la Première Guerre mondiale à l’agent orange des Américains au Vietnam, on ne lit aucune louange dans les livres d’histoire pour ces tactiques très tôt qualifiées d’inhumaines.
Tout le monde s’entend, Saddam Hussein était un dictateur brutal en Irak. Il est cependant parvenu à éternellement salir son nom avec le meurtre aux gaz toxiques d’au moins 3000 hommes, femmes et enfants dans la ville kurde de Halabja en mars 1988.
Bachar al-assad finira peut-être par s’accrocher au pouvoir et maintenir son régime en place grâce aux Russes et aux Iraniens, mais les crimes commis à l’arme chimique vont lui coller à la peau encore plus durablement que d’autres grandes tragédies de cette interminable guerre de Syrie, comme la réduction en ruines, en décembre 2016, de la ville d’alep pour en chasser les rebelles.
Pourquoi, du coup, si cet armement toxique a si mauvaise presse autant lorsqu’il est utilisé qu’au fil de l’histoire par la suite, s’obstine-t-on à l’employer ?
UN NUAGE DE TERREUR
Par sa capacité à faire un grand nombre de victimes d’un seul coup, l’armement chimique s’inscrit dans la catégorie des armes de destruction massive. Comme il coûte peu cher à produire et à utiliser, ce sont généralement des régimes et des armées de plus petits pays qui finissent par y avoir recours. En d’autres mots, la bombe chimique, c’est un peu l’arme atomique des pauvres.
L’impact de ces armes chimiques va au-delà des victimes qu’elles provoquent. Impossible de rester indifférent aux images de ces femmes qui se tiennent la gorge, de ces hommes qui crachent le sang et de ces enfants, terrifiés, à bout de souffle et d’air.
Elles font très peu de dégât matériel, ces bombes, et Bachar al-assad, en les larguant, ne met pas ses troupes en danger. Sept années après le début de ce conflit, il n’a plus de soldats à perdre.
Sauf que, dans la guerre psychologique qui se livre parallèlement aux combats conventionnels, les gaz gagnent des batailles précieuses. La terreur qu’ils inspirent aux populations des zones rebelles rapproche Bachar al-assad, un peu plus chaque jour, d’une victoire finale.
Cette fois-ci vient encore de le prouver : Américains, Français et Britanniques l’ont puni pour l’attaque chimique sur Douma, mais il sait qu’ils n’en feront pas beaucoup plus, de peur que le bourbier syrien ne les aspire totalement. Cela, vous pouvez en être sûr, pas un Occidental n’en a envie.