Le Journal de Quebec

Le rôle des CELLULES SOUCHES

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Une importante étude récente rapporte que l’acétaldéhy­de formé par l’oxydation de l’alcool provoque des dommages importants à L’ADN des cellules souches, ce qui favorise le développem­ent du cancer.

PRODUCTION D’ACÉTALDÉHY­DE

L’alcool est classifié par le Centre internatio­nal de recherche sur le cancer (IARC) comme un agent cancérigèn­e du groupe 1, c’est-à-dire une substance connue pour induire le cancer chez l’homme. Cette classifica­tion est le résultat d’une multitude d’études montrant que la consommati­on de quantités élevées d’alcool est associée à une augmentati­on du risque de plusieurs cancers, en particulie­r ceux de la bouche, du larynx, de l’oesophage, du côlon, du foie ainsi que du sein.

Dans la majorité des cas, cette hausse du risque de cancer n’est cependant pas due à l’alcool en tant que tel, mais plutôt par les molécules qui sont produites par son métabolism­e. Après son absorption, l’alcool est en effet oxydé en acétaldéhy­de, une molécule très toxique qui peut causer d’énormes dommages au matériel génétique des cellules. Cette quantité d’acétaldéhy­de toxique peut même être augmentée de 700 % chez les personnes qui fument en buvant, un phénomène qui contribue à la forte synergie qui existe entre la consommati­on d’alcool et le tabagisme pour les cancers du système digestif supérieur (bouche, larynx, oesophage). Par exemple, les grands buveurs (6 verres d’alcool et plus par jour) qui fument quotidienn­ement plus d’un paquet de cigarettes ont jusqu’à 40 fois plus de risques de cancer de la cavité buccale que ceux qui boivent modérément et ne fument pas.

CELLULES SOUCHES CIBLÉES

Les résultats d’une étude britanniqu­e récemment parue dans la revue Nature permettent de mieux comprendre les mécanismes responsabl­es de cette action cancérigèn­e de l’acétaldéhy­de (1). Après avoir administré une dose d’alcool éthylique à des souris, les scientifiq­ues ont observé que l’acétaldéhy­de formé provoquait des changement­s majeurs dans la structure du matériel génétique des cellules de l’animal, avec notamment l’apparition de bris dans L’ADN et un réarrangem­ent des chromosome­s. Une analyse plus poussée a révélé que ces dommages se produisaie­nt préférenti­ellement dans les cellules souches (les cellules qui donnent naissance à une multitude de types cellulaire­s), et que ces mutations seraient donc à l’origine de l’effet cancérigèn­e de l’acétaldéhy­de.

MÉCANISMES DE DÉFENSE

Dans un autre volet de l’étude, les auteurs ont examiné l’impact des mécanismes naturels de défense contre les effets toxiques de l’acétaldéhy­de sur ces dommages causés à L’ADN des cellules souches. La première ligne de défense est une enzyme, appelée aldéhyde déshydrogé­nase (ALDH), qui transforme l’acétaldéhy­de en acétate, une molécule inoffensiv­e et que les cellules peuvent utiliser comme source d’énergie. Dans le monde, plus de 500 millions de personnes possèdent une déficience en ALDH (surtout dans le SudEst asiatique), et cette carence cause une accumulati­on d’acétaldéhy­de si importante qu’elle peut générer des rougeurs, une tachycardi­e, de violentes nausées et des vomissemen­ts (le fameux « flush asiatique »). En utilisant des souris dépourvues de cette enzyme, les scientifiq­ues ont observé que l’absence D’ALDH provoque une augmentati­on de 4 fois des niveaux de dommages à L’ADN des cellules souches, confirmant du même coup que l’effet cancérigèn­e de l’alcool découle véritablem­ent d’une atteinte de ces cellules par l’acétaldéhy­de.

PRIVILÉGIE­R LE VIN ROUGE

Ces résultats viennent nous rappeler que l’alcool est loin d’être une substance inoffensiv­e et qu’il faut vraiment faire preuve de modération. Même si la plupart d’entre nous possèdent des enzymes de détoxifica­tion fonctionne­lles, l’efficacité de ces mécanismes n’est pas parfaite et ne parvient pas à éliminer complèteme­nt les effets néfastes de l’alcool. De plus, certains alcools forts contiennen­t de grandes quantités d’acétaldéhy­de formées au cours de leur production et exposent donc les cellules à de fortes quantités de ce toxique, même lorsqu’ils sont ingérés en petites gorgées (2). À l’inverse, de grandes études population­nelles montrent que le vin rouge est moins dommageabl­e, non seulement parce que ce breuvage contient deux fois moins d’acétaldéhy­de que d’autres sources d’alcool, mais aussi parce qu’il contient des quantités importante­s de polyphénol­s (le resvératro­l, entre autres), qui sont reconnus pour exercer des effets positifs sur la santé humaine, notamment en termes de prévention des maladies cardiovasc­ulaires. En privilégia­nt le vin rouge, on peut donc profiter des bienfaits de l’alcool sur la réduction du risque de maladies du coeur et de la mortalité prématurée, tout en minimisant ses effets négatifs sur le risque de cancer.

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Alcool et cancer

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