Le Journal de Quebec

Le grand magasinage

- JOSÉE LEGAULT Politologu­e, auteure, chroniqueu­se politique josee.legault @quebecorme­dia.com @joseelegau­lt

Les campagnes électorale­s sont devenues de vraies boîtes à surprises. Au Québec, en situation de multiparti­sme bien installé, celle qui mènera au scrutin du 1er octobre sera celle du grand magasinage pour une solution de rechange aux libéraux.

Après 15 ans de règne libéral, une vaste majorité de francophon­es veut du « changement ». En situation classique de bipartisme, cela garantirai­t le pouvoir au Parti québécois. Depuis la création de la Coalition avenir Québec en 2011, cette donne n’existe plus.

Même à 41 % d’appuis chez les francophon­es, selon le dernier sondage Léger/lcn, cette avance reste toutefois fragile. Quand on y ajoute le PLQ, une pincée de Québec solidaire et l’incapacité actuelle du PQ de remonter la pente, la division du vote francophon­e frôle l’éclatement.

POINT DE BASCULE

D’où la question qui tue : chez les électeurs décidés à sortir les libéraux, la campagne produira-t-elle un point de bascule, soit vers la CAQ, soit, quoique moins probable pour le moment, vers le PQ ? Ou y aura-t-il un gouverneme­nt minoritair­e ?

Après 50 ans de bipartisme PLQ-PQ, comment en sommes-nous arrivés là ? La principale raison, mais non la seule, est celle-ci. Depuis le référendum de 1995, le silence du PQ sur son option et la soumission du PLQ face à Ottawa ont fini par évacuer la question nationale de l’espace public.

Ce phénomène est plus marqué encore chez les jeunes socialisés dans ce vide sans précédent depuis la Révolution tranquille. Ce qui – la nature abhorrant le vide – a ouvert la voie à la création de la CAQ, venue reprendre le flambeau de L’ADQ.

Son chef et ex-ministre péquiste François Legault se dit maintenant fédéralist­e, mais à sa fondation, il présentait plutôt son nouveau parti comme étant « ni souveraini­ste ni fédéralist­e ». Dans ce reflet parfait de l’air du temps, l’heure de la CAQ approchait.

CONSERVATI­SME

Sa montée s’explique aussi par une société qui, avouons-le, se fait de plus en plus conservatr­ice. Non pas sur le plan social, mais politique. Sans grand projet collectif, quel qu’il soit, les Québécois ne sont tout simplement plus sollicités sur une base collective. Les partis les saucissonn­ent en « familles » et en particulie­rs.

Dans un tel contexte, un parti comme la CAQ, réunissant ces deux axes – conservati­sme et nationalis­me minimalist­e –, ne pouvait que gagner des adeptes. Pour les deux « grands » partis, la morale de cette histoire est claire.

À force de ne plus présenter ce qu’ils ont de meilleur – pour le PLQ, sa vision libérale et nationalis­te, et pour le PQ, son projet indépendan­tiste –, ils ont eux-mêmes ouvert la voie à la CAQ. Rien n’est encore joué d’ici le 1er octobre. Pour le PQ, toujours au 3e rang, la réflexion s’annonce néanmoins ardue.

La promotion de Véronique Hivon combinée au retour de Jean-martin Aussant et de Lisette Lapointe, pour qui, nonobstant le résultat du 1er octobre, la reconstruc­tion du projet souveraini­ste est essentiell­e, annonce qu’elle est déjà bien entamée.

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 ??  ?? Même le sort de Jean-martin Aussant, candidat du PQ dans Pointe-aux– Trembles, dépendra du résultat du grand magasinage qui s’annonce.
Même le sort de Jean-martin Aussant, candidat du PQ dans Pointe-aux– Trembles, dépendra du résultat du grand magasinage qui s’annonce.

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