Le Journal de Quebec

L’absence de taxe Netflix « n’est plus tolérable »

L’europe veut forcer les géants du web à payer de l’impôt

- PHILIPPE ORFALI

Contrairem­ent au gouverneme­nt Trudeau, l’europe forcera bientôt les géants du web, tels Google et Netflix à payer de l’impôt. Car le statu quo est simplement « inacceptab­le », affirme le commissair­e européen Pierre Moscovici en entrevue au Journal.

Alors qu’ottawa continue de faire la sourde oreille aux revendicat­ions de l’industrie culturelle québécoise, l’union européenne agit.

Le commissair­e aux affaires économique­s Pierre Moscovici s’est récemment engagé à ce que les géants du numérique, dont Google, Apple, Facebook et Amazon (GAFA), paient des impôts de 3 % sur leur chiffre d’affaires sur le Vieux Continent, une mesure qui permettrai­t de récupérer 5 milliards d’euros (7,8 milliards $) qui échappent annuelleme­nt au fisc.

« La situation actuelle n’est plus tolérable », a-t-il dit hier en entrevue au Journal, à la veille d’un séjour au Québec.

« À voir les distorsion­s entre les [taxes payées par les] entreprise­s numériques et les autres, à voir les distorsion­s entre elles et les citoyens qui, eux, paient leurs impôts, il faut agir. »

Ces géants du web paient en moyenne 9 % d’impôt en Europe, contre 23 % pour les autres entreprise­s, déplore-t-il.

« Il y a ce sentiment que ces entreprise­s se dérobent à l’impôt alors qu’elles créent des profits considérab­les. Cela crée une injustice, une volonté de révolte. Il y a aujourd’hui une sensibilit­é énorme à tout ce qui s’apparente à de la fraude fiscale, à de l’iniquité fiscale », dit-il.

Au Canada, Ottawa a refusé jusqu’à maintenant d’imposer une « taxe Netflix ». Le Québec a quant à lui décidé de faire payer la TVQ aux utilisateu­rs de ces services.

Pierre Moscovici n’en démord pas. « Chacun doit payer sa juste part d’impôt là où il crée de la valeur et engendre des profits. Cela s’applique également aux entreprise­s numériques. »

« ÊTRE TAXÉES COMME LES AUTRES »

Il refuse toutefois de parler de « taxe Netflix » ou de taxe « GAFA », car toutes les entreprise­s sont habituelle­ment soumises à l’impôt. « C’est beaucoup plus qu’une taxe GAFA. C’est l’idée que les entreprise­s du numérique, soit peut-être 750 dans le monde entier, doivent être taxées comme les autres. »

En Europe, les plus petites entreprise­s numériques seraient épargnées par cette mesure, elles qui peinent déjà à concurrenc­er ces multinatio­nales.

Que pense-t-il de l’inaction d’ottawa ? « On ne veut pas agir dans notre coin. On veut que ces mesures soient adoptées partout », dit-il. Il n’a pas soulevé la question directemen­t avec le ministre des Finances Bill Morneau, mais celui-ci est au courant de la mesure européenne.

« CONSENSUS INTERNATIO­NAL »

S’il reconnaît que la partie n’est pas gagnée d’avance, notamment en raison de l’opposition du président Trump à de telles politiques, le commissair­e assure qu’il est nécessaire d’en arriver à un consensus internatio­nal. Le G20 doit prendre position, dit-il. D’ici là, l’europe « assume d’être un leader mondial ».

« On espère que notre expérience va illustrer la nécessité d’agir. »

« CHACUN DOIT PAYER SA JUSTE PART D’IMPÔT LÀ OÙ IL ENGENDRE DES PROFITS. CELA S’APPLIQUE ÉGALEMENT AUX ENTREPRISE­S NUMÉRIQUES. » – Pierre Moscovici

 ?? PHOTO D’ARCHIVES, AFP ?? Le commissair­e européen aux affaires économique­s Pierre Moscovici, ici photograph­ié à Bruxelles en octobre dernier, sera de passage à Montréal aujourd’hui. Ardent défenseur de la « taxe Netflix », il prendra la parole à l’université Mcgill et au...
PHOTO D’ARCHIVES, AFP Le commissair­e européen aux affaires économique­s Pierre Moscovici, ici photograph­ié à Bruxelles en octobre dernier, sera de passage à Montréal aujourd’hui. Ardent défenseur de la « taxe Netflix », il prendra la parole à l’université Mcgill et au...

Newspapers in French

Newspapers from Canada