Le Journal de Quebec

Votre voisin est-il lui aussi un pirate ?

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Il y a quelques mois, invité à l’émission d’isabelle Maréchal au 98,5, j’avais été stupéfait du nombre d’auditeurs avouant sur les ondes qu’ils regardaien­t gratuiteme­nt à la télé tous les films et toutes les émissions qu’ils voulaient. Plus étonnant encore, la plupart étaient convaincus d’être dans leur bon droit.

N’avaient-ils pas payé pour un Kodi, un Bittorrent ou un autre bidule permettant de capter sur internet à peu près n’importe quel signal ? Ils raisonnaie­nt comme s’ils s’étaient permis de piquer des microsillo­ns chez Archambaul­t sous prétexte qu’ils avaient déjà acheté un tourne-disque. Ou qu’ils pouvaient s’approprier n’importe quel DVD sous prétexte qu’ils avaient déjà payé pour un lecteur.

La radio, il est vrai, a créé un précédent. Pourvu qu’on possède un récepteur, on peut capter gratuiteme­nt tous les postes qu’on syntonise.

C’est encore plus spectacula­ire avec un appareil radio « connecté », puisque des milliers de stations sont disponible­s gratuiteme­nt en toute légalité.

On peut aussi écouter la musique de son choix sur Spotify, Deezer, Apple ou un autre service, mais là, il faut s’abonner… À moins de trouver le moyen de pirater le site !

PLUS DE 200 $ PAR MOIS

En honnête citoyen soucieux que les ayants droit puissent toucher les pauvres sous qui leur reviennent, je me suis abonné à Illico, à Netflix, à Crave, à Apple TV, etc. Mes loisirs audiovisue­ls me coûtent donc plus de 200 $ par mois si j’ajoute le coût d’internet.

Pendant ce temps, mon ou mes voisins, forts d’un logiciel « légal » pour lequel ils paient des pinottes, peuvent regarder gratuiteme­nt toutes les télés du monde, sans parler de milliers de films.

Pour quelques maigres dollars par mois, d’autres petits futés s’abonnent à un VPN (réseau privé virtuel) qui leur permet de délocalise­r leur adresse internet pour la relocalise­r en pays étrangers. Ils peuvent ainsi regarder les chaînes de ces pays comme s’ils y habitaient. Des chaînes qui leur seraient inaccessib­les à partir de leur adresse internet habituelle.

BLOQUER LES SITES PIRATES

Selon un sondage effectué dans 100 000 foyers canadiens, au moins un foyer sur 10 a recours à ce genre de stratagème.

Un estimé plus que conservate­ur quand on sait qu’au Canada anglais, 25 % des foyers ne sont plus abonnés au câble ou au satellite. De ceux-là, seulement la moitié sont abonnés à Netflix ou à un service semblable.

La plupart des autres regardent sans doute des séries de télé et des films qu’ils piratent.

Fin janvier, 25 sociétés, dont Québecor et Radio-canada, ont demandé au CRTC de créer une agence dont le rôle serait de bloquer les sites internet de piratage. Du coup, on a crié à la censure, fait signer des pétitions, invoqué la charte des droits, réitéré l’importance de la liberté de l’internet et quoi encore.

Le ministre de l’innovation Navdeep Bains a lancé les hauts cris. Il a affirmé (sans rire) que nos lois donnent la protection voulue aux créateurs et à toute personne détenant une propriété intellectu­elle. Si tel est le cas, pourquoi la ministre Mélanie Joly s’époumone-t-elle à répéter que notre loi sur le droit d’auteur doit être révisée, tout comme nos lois sur les communicat­ions et la radiodiffu­sion ?

Nos ministres pourraient au moins ajuster leurs discours.

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