Le premier ministre a été associé avec l’homme d’affaires Lloyd Mitchell Segal dans un fonds d’investissement
Un ex-associé du premier ministre Philippe Couillard préside l’une des rares entreprises qui approvisionneront la Société québécoise du cannabis (SQDC), et la seule à avoir reçu une subvention de Québec, alors qu’elle est en partie financée par des fonds provenant de paradis fiscaux.
Le Montréalais Lloyd Mitchell Segal, qui occupe la présidence du conseil de la firme de pot ontarienne Medreleaf depuis juillet 2017, a été associé à l’actuel premier ministre Philippe Couillard entre 2010 et 2012 au sein de la firme Persistence Capital Partners (PCP).
C’est ce fonds d’investissement dans le secteur de la santé qui a embauché M. Couillard lors de son passage au privé en 2007.
Medreleaf est l’une des six firmes qui ont signé une entente pour approvisionner les succursales de la SQDC, la filiale de la SAQ qui aura le monopole de la vente du cannabis. La société d’état lui achètera 8000 kg de pot par année pour trois ans.
Elle est également la seule entreprise de cannabis à avoir reçu une subvention du gouvernement du Québec, soit 84 000 $ de fonds publics versés en 2016 ( voir texte en page 2).
« UN AMI »
« Je le considère comme un ami, mais je n’ai pas été en contact avec lui [...] depuis sa réélection en 2014 », a écrit M. Segal en guise de réponse à l’une des questions posées par notre Bureau d’enquête.
Au bureau du premier ministre, on précise que Philippe Couillard a quitté PCP en 2012 et qu’il s’est départi de tout intérêt dans ce fonds à ce moment.
« Il n’a jamais parlé à M. Segal depuis ce temps », a insisté le directeur des relations médias de M. Couillard, Charles Robert. Ce dernier a nié « catégoriquement que l’état ait pu subventionner Medreleaf parce que M. Segal a déjà siégé sur le même CA que le premier ministre ». L’argent est venu d’un programme normé, a souligné M. Robert.
En plus de leur association chez PCP, Philippe Couillard et Lloyd Segal ont également siégé au conseil d’administration de la firme Thallion Pharmaceutiques de 2010 à 2012. M. Couillard est entré chez Thallion à la suite d’une « introduction préliminaire » de M. Segal, selon ce dernier.
Lloyd Segal a aussi donné 500 $ à Philippe Couillard durant la course à la chefferie libérale en 2013.
ACTIONNARIAT OFFSHORE
Même si Medreleaf avait reçu une subvention de l’état québécois, elle a refusé en novembre de vendre des blocs d’actions à des investisseurs québécois pour éviter de payer pour la traduction de ses documents en français.
Un examen des documents financiers montre que des investisseurs importants dans Medreleaf sont établis dans des paradis fiscaux. Notre Bureau d’enquête a pu identifier :
√ une compagnie du Panama, Zola Finance, qui possède 15,3 % de l’entreprise et est contrôlée par un certain Tarik Ouass, dont l’avocat habite Gibraltar (un autre paradis fiscal) ;
√ une compagnie de Gibraltar, Eva Fashion Limited, qui a détenu jusqu’en mai 2017 9,3 % des actions de Medreleaf ;
√ une compagnie israélienne de cannabis médical, Tikun Olam, qui possède 9,3 % de Medreleaf.
À propos de son actionnaire Zola Finance, le PDG de Medreleaf Neil Closner précise qu’il fait partie des premiers investisseurs de l’entreprise.
« On les connaît, ils sont avec nous depuis des années, ils ont une bonne réputation », dit-il.
« Certaines personnes choisissent d’installer leurs entreprises dans certaines juridictions et ça ne veut pas nécessairement dire qu’ils ont fait quelque chose de mal », explique-t-il.
« Nous avons fait nos propres vérifications avec nos premiers investisseurs, poursuit-il. Je comprends l’inquiétude à un certain point, mais il y a tellement de compagnies de cannabis inscrites en bourse qu’on ne peut plus dire qui sont tous les actionnaires. »