Le fédéralisme impérial
Justin Trudeau a déclaré à l’international qu’il est ouvert pour accueillir la misère du monde. Très bien. Alors que son gouvernement en assume la responsabilité.
Cette crise humanitaire qui frappe à nos portes avec le flux des migrants arrivés à nos frontières, de façon irrégulière, est loin de se résorber.
Au lendemain de son élection, en 2015, M. Trudeau avait séduit bien du monde aux Nations Unies en déclarant : « Le Canada est de retour », mais il fait si peu quand vient le temps de faire face aux situations réelles, comme celle que nous vivons avec l’immigration irrégulière.
LE CANADA EST DE RETOUR ?
Je pense particulièrement aux migrants eux-mêmes, qui doivent être déroutés par tant de dédales bureaucratiques, et aux organismes communautaires qui doivent offrir des services avec si peu de ressources.
Il y a quelque chose d’indécent à voir le gouvernement du Québec à genoux devant le ministre fédéral de l’immigration, quémandant des fonds auxquels il a droit, pour avoir rempli, par substitution, le rôle du gouvernement fédéral.
Est-il nécessaire de rappeler au premier ministre Trudeau que le gouvernement de Robert Bourassa avait signé une entente majeure avec le gouvernement de Bryan Mulroney, en 1991, qui détermine les pouvoirs et obligations de chaque ordre de gouvernement ?
Cet Accord Canada-québec relatif à l’immigration et à l’admission des aubains prévoit, entre autres, que le fédéral transfère des budgets au gouvernement du Québec, en fonction d’un certain nombre de critères, notamment celui du nombre d’immigrants ou de réfugiés reçus au Québec.
Le gouvernement de Robert Bourassa était fier de le citer en tant qu’exemple d’une entente administrative modèle et de preuve d’un fédéralisme flexible.
Est-il nécessaire de rappeler que c’est le gouvernement fédéral qui détermine le statut de réfugié en vertu de la Convention de Genève? C’est sa responsabilité constitutionnelle, et c’est à lui qu’incombe le devoir de couvrir les frais relatifs à leur accueil, à leur établissement et à leur intégration.
IL Y A UNE LIMITE À L’ARROGANCE
Or, il s’agit ici d’une crise humani- taire sans précédent et d’un flux qui est loin de se tarir. C’est une situation exceptionnelle qui exige une réponse exceptionnelle.
On parle ici de 25 000 migrants irréguliers qui ont afflué au Québec, l’année dernière seulement, soit une hausse de 700 % par rapport à 2016. Et, déjà, dans les premiers mois de 2018, leur nombre a atteint les 5700.
Le gouvernement du Québec demande le remboursement de 146 millions de dollars pour couvrir « la totalité des sommes encourues pour la prise en charge des demandeurs d’asile ayant traversé la frontière de façon irrégulière ».
COMPÉTENCE CLAIREMENT FÉDÉRALE
C’est une demande tout à fait raisonnable dans le cadre d’un fédéralisme respectueux des compétences des différents ordres de gouvernement. Le Québec ne devrait même pas le demander. Ça devrait aller de soi, sachant que le dossier est de responsabilité fédérale.
Et que répond le ministre canadien de l’immigration, Ahmed Hussein ? Le gouvernement fédéral a « déjà fait beaucoup ». Ainsi, le gouvernement Trudeau refile la facture aux Québécois pour l’accueil de milliers de revendicateurs de statut de réfugiés, dont bon nombre ne resteront même pas au ici.
Est-il normal que le Québec assume seul le fardeau financier de 50 % de tous les migrants irréguliers qui ont franchi la frontière canado-américaine, alors qu’il s’agit d’une compétence clairement fédérale ?
Le ministre David Heurtel est rendu à parler poliment de point de saturation. Si une telle expression était sortie de la bouche d’un membre des partis de l’opposition, le premier ministre Couillard serait monté aux barricades pour l’accuser de « souffler sur les braises de l’intolérance ».