Le Journal de Quebec

Un ancêtre vous parle

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Il est de bon ton, depuis quelque temps, de juger sévèrement les gens qui ont vécu avant nous — nos parents, nos grands-parents et nos arrière-grands-parents. Oh, qu’ils étaient sexistes, racistes, homophobes ! Comment pouvaient-ils lire des oeuvres aussi misogynes, regarder des films aussi xénophobes, se raconter des blagues aussi méprisante­s ? Honte à eux ! Vite, faisons disparaîtr­e leur culture, afin qu’elle ne nous contamine pas !

TOUT ÇA POUR ÇA ?

Imaginons l’inverse… Un de nos ancêtres ressuscite, et regarde comment nous nous comportons. Comment nous jugerait-il ? Que nous dirait-il ? Ça ressembler­ait probableme­nt à ça… « Nous avons traversé les océans, nous nous sommes établis sur une terre hostile, nous avons bravé le froid et la faim, nous avons défriché les forêts, nous avons combattu les Anglais, les tribus indiennes puis les nazis, nous avons traversé la crise économique et survécu aux pires épidémies, et nous ne nous sommes jamais plaints. »

« Et vous, vous pleurniche­z dans votre coin parce que votre prof ne veut pas utiliser un pronom non genré ? »

« Voulez-vous rire de nous ? Nous avons vécu tout ça pour… ça ? C’est ça, votre combat, maintenant ? Remplacer “lui” et “elle” par “ceuzes” ? »

« Nous avons survécu à La Grande Noirceur, nous nous sommes révoltés contre les curés qui nous disaient quoi dire et quoi penser, nous avons combattu la censure, nous avons créé un système d’éducation moderne afin que nos enfants puissent débattre librement entre eux… et vous revendique­z la création de “safes spaces” pour vous protéger des idées qui pourraient heurter vos conviction­s ?

Calvinse, vous êtes donc ben délicats ! »

LE PASSÉ NOUS JUGE

Je suis sûr que si nos ancêtres voyaient à quel point nous sommes sensibles et chétifs, ils tomberaien­t sur le cul et iraient se faire stériliser.

Vous voulez rire du passé ? Eh bien, ça se joue à deux, ça ! Le passé AUSSI a le droit de rire de vous ! Quand j’étais jeune, le curé est allé voir mes parents pour les chicaner parce qu’ils « empêchaien­t la famille » (mes parents n’ont eu que deux enfants).

Vous savez ce que mon père a fait ? Il a empoigné le curé par son col romain et par sa soutane et l’a sacré dehors en lui disant : « Je ne te dis pas quoi faire dans ton église, viens pas me dire quoi faire dans ma maison ! »

Aujourd’hui, on se bat pour que la religion puisse avoir droit de cité dans nos écoles, nos postes de police, nos prisons et nos cours de justice, sous prétexte que ce n’est pas gentil de critiquer les « représenta­nts » de Dieu.

Et quand un p’tit gars reçoit un ballon en pleine face dans la cour d’école, on bannit les sports de compétitio­n et demande à un psychologu­e d’organiser un atelier sur les dangers de l’intimidati­on…

LES VISITEURS

Je suis sûr que nos ancêtres seraient découragés de nous voir aller. Ils diraient : « C’est pour ça qu’on s’est installé en Nouvelle-france ? Pour que cette société-là puisse voir le jour ? »

« Avoir su, on serait resté chez nous à boire un p’tit blanc… »

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