Le Journal de Quebec

Bissonnett­e « est un monstre »

La veuve et les enfants d’une des victimes de la tuerie ont raconté les conséquenc­es de son décès

- KATHLEEN FRENETTE

Le jour où Alexandre Bissonnett­e a choisi de prendre les armes pour abattre six hommes, « ce qu’il y avait d’humain en lui a disparu », a témoigné le fils d’un homme décédé au coeur de la mosquée.

Tour à tour, Megda, 29 ans, et Amir, 26 ans, les enfants de Khaled Belkacemi, ont pris la parole dans le cadre des représenta­tions sur la peine pour témoigner de la perte, de la peine et du cauchemar dans lequel ils ont été plongés il y a de cela 15 mois.

D’une voix douce, calme et posée, la jeune femme a d’abord relaté l’arrivée de ses parents en sol québécois, en 1994. « À l’époque, mes parents enseignaie­nt à l’université, à Alger. Le 31 mai de cette année-là, le recteur s’est fait assassiner par des terroriste­s. Cet événement a convaincu mes parents que nous devions quitter l’algérie », a-t-elle dit d’un trait.

VIE BOULEVERSÉ­E

Ici, la famille Belkacemi a vécu une vie « tranquille et paisible » dans le quartier Sainte-geneviève. « L’ironie du sort a fait que notre vie calme et sereine a été bouleversé­e le 29 janvier 2017. Ce jour-là, la violence que mes parents avaient fuie nous a tous rattrapés », a-t-elle précisé.

Sans nouvelles de leur père qu’ils savaient à la mosquée, Amir, Megda et leur mère Safia Hamoudi se sont mis à chercher l’homme désespérém­ent. Ils se sont ensuite dirigés vers le centre de crise établi à l’aréna de Sainte-foy, où les secondes se sont mises à s’égrainer comme des heures.

« D’être là, dans un endroit où on allait jouer quand on était petit, c’était particuliè­rement choquant », a souligné le fils de monsieur Belkacemi. Vingt heures plus tard, le cauchemar s’est intensifié.

« Vers 16 h, on nous a confirmé le pire des scénarios. Mon père était bel et bien décédé. Alexandre Bissonnett­e avait si peur que sa famille soit attaquée. Finalement, c’est la mienne qui l’a été », a ajouté la jeune femme.

« Comment un homme qui a le même âge que moi, qui a grandi dans la même ville, qui a un parcours scolaire si semblable au mien a pu enlever la vie de mon père et de cinq autres pères de famille ? Le doux sentiment de sécurité que j’avais a fait place à la peur », a-t-elle ajouté.

« J’ai la certitude que cet homme est, aujourd’hui, un monstre, et je crois que les monstres n’ont pas leur place entre nous, qui choisisson­s de chérir notre humanité, et n’oubliez pas que les gens qui viennent s’établir ici ne le font pas pour imposer la peur ou la terreur, mais pour se donner une meilleure chance de vie », a mentionné en terminant le fils de monsieur Belkacemi.

ELLE VIT DANS LA PEUR

La mère des enfants, professeur­e à l’université Laval, s’est aussi adressée au juge, attentif.

« Depuis la disparitio­n de mon mari, ma vie n’a plus aucun sens. Je vis dans la peur qu’un autre acte de terreur se répète. J’ai peur de subir le même sort que mon mari et de laisser mes enfants orphelins de père et de mère. »

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