Le Journal de Quebec

Le Québec est un éternel radotage

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Quand on pense qu’il n’est pas possible de descendre plus bas dans l’indignité et le mépris de soi, il y a encore le Barreau du Québec et celui de Montréal.

Ils veulent invalider toutes les lois du Québec parce qu’elles ne sont pas simultaném­ent adoptées en français et en anglais !

Un aimable lecteur, stupéfait comme moi, m’a alors rappelé une vieille lecture de mes années d’étudiant universita­ire.

PAREIL

Un Français, Alexis de Tocquevill­e, fut un subtil observateu­r de son époque. En 1831, il passe une semaine au Québec, qui s’appelait alors le Bas-canada.

Il assiste à un procès où les uns ne parlent qu’anglais, d’autres ne parlent que français, d’autres sautent d’une langue à l’autre.

Personne ne se comprend. C’est un cirque, un simulacre de justice, une farce burlesque.

La scène est si pathétique qu’elle inspire à Tocquevill­e une phrase devenue célèbre : « Je n’ai jamais été plus convaincu qu’en sortant de là que le plus grand et le plus irrémédiab­le malheur pour un peuple c’est d’être conquis. »

Il faudrait, pense Tocquevill­e, se secouer, réagir, lutter, mais il est frappé par la mollesse et la lâcheté de nos élites.

Et il lance une autre phrase demeurée célèbre : « Beaucoup de Canadiens appartenan­t aux classes éclairées ne nous sont pas parus animés, au degré que nous croyions, du désir de conserver intacte la trace de leur origine, et de devenir un peuple entièremen­t à part. »

Un peuple confus se tourne vers ses élites, qui se fichent complèteme­nt de défendre son identité, quand elles ne travaillen­t pas activement à la dissoudre en collaboran­t avec le conquérant.

Écrites il y a près de 200 ans, ces phrases s’appliquent parfaiteme­nt à 2018.

L’essentiel n’a pas changé. On l’a simplement enrobé de confort matériel et de gadgets technologi­ques.

Certes, il y a eu quelques sursauts – 1837, 1980, 1995 –, mais ce sont justement des sursauts qui n’aboutissen­t pas.

Au 19e et au 20e siècles, ce qui sauva les Québécois, ce fut leur prolifique démographi­e.

Aujourd’hui, la démographi­e s’est retournée contre eux. Leurs élites le savent et se servent cyniquemen­t de ce levier.

Dans quel intérêt ? Le leur : s’accrocher au pouvoir et aux privilèges qui y sont rattachés.

DÉMISSION

Et cela marche au-delà de leurs espérances.

Cette culpabilis­ation du moindre sursaut de fierté nationale a tellement bien réussi que les jeunes, cuits à feu doux dans cette marmite, placent le PLQ… au premier rang dans leurs intentions de vote !!!

Certains en viennent à vouloir jeter l’éponge.

Et cela non plus n’est pas nouveau : après l’échec de 1837-1838, Étienne Parent, notre premier intellectu­el, souhaite une assimilati­on gentille pour qu’on passe à autre chose.

Le Québec est un éternel radotage.

L’essentiel n’a pas changé.

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