Le Journal de Quebec

Demandeurs d’asile : rien n’est réglé

- FATIMA HOUDA-PEPIN Politologu­e, consultant­e internatio­nale et conférenci­ère

Il y a eu bien des sourires et des promesses, à la sortie de la rencontre Ottawa-québec, le 18 avril dernier, sur la prise en charge des 146 M$ inhérents à l’accueil des 25 000 demandeurs d’asile. Mais la solution concrète se fait toujours attendre.

M. Couillard aurait pu nous épargner cette indignatio­n électorali­ste, si son gouverneme­nt avait agi de façon responsabl­e, dès le départ.

LE PROBLÈME DEMEURE ENTIER

Mais le transfert fédéral d’une enveloppe budgétaire, si importante soitelle, ne réglera pas le fond du problème. Désormais, le flux des demandeurs d’asile, légaux ou illégaux, est un phénomène structurel qui ne peut être traité à la petite semaine.

Pendant longtemps, nous avons cru que nous étions à l’abri des débordemen­ts spectacula­ires qui ravagent les pays européens sur la question de l’immigratio­n, à cause de notre éloignemen­t géographiq­ue. Mais ce temps-là est révolu.

Le Haut-commissari­at des Nations Unies pour les réfugiés (HCNUR) estime à 65,6 millions le nombre de personnes déplacées, dans le monde, à la fin de 2016, pour cause de conflits et de persécutio­n.

Il s’agit là d’un phénomène qui va en s’accentuant vu le nombre de conflits dans le monde, en plus des réfugiés climatique­s, victimes des catastroph­es naturelles qui renvoient dans l’exil des millions de déplacés, à la recherche de travail et de sécurité.

C’est le cas pour les Haïtiens que nous avons accueillis parmi les 25 000 demandeurs d’asile. Ils se sont expatriés aux États-unis, à la suite du tremblemen­t de terre dévastateu­r d’haïti, de 2010.

Alors il ne faut pas s’étonner qu’ils répondent en si grand nombre à l’appel du premier ministre, Justin Trudeau, qui avait déclaré, le 7 septembre 2017 : « À ceux qui fuient la persécutio­n, la terreur et la guerre, sachez que le Canada vous accueiller­a indépendam­ment de votre foi. La diversité fait notre force. »

Ce qui est étonnant, c’est que le premier ministre Couillard l’ait applaudi sans rien demander en retour. Pourtant, il savait que l’arrivée au Québec, d’un flux aussi massif de demandeurs d’asile allait nécessiter des ressources financière­s et matérielle­s supplément­aires. Même le ministre fédéral, Marc Garneau, l’avait dit, le 14 août 217, en reconnaiss­ant qu’une telle situation allait imposer « des besoins additionne­ls au gouverneme­nt du Québec ».

UNE GESTION DÉPLORABLE

Dès lors, la crise des migrants irrégulier­s que nous connaisson­s, au-delà de l’émotion qu’elle suscite, est d’abord et avant tout la démonstrat­ion d’une gestion déplorable d’un gouverneme­nt sans vision, qui place ses intérêts partisans avant l’intérêt public et qui instrument­alise l’immigratio­n à des fins électorale­s.

Car connaissan­t l’ampleur du problème et le déferlemen­t du flux humain, le gouverneme­nt Couillard aurait dû négocier avec Ottawa les termes d’une entente spéciale avec des objectifs précis et des budgets s’y rattachant.

Surtout que le Québec ne manque pas d’expertise en cette matière. En 1978, en pleine crise des Boat People, le gouverneme­nt du Québec avait signé avec le fédéral l’entente Cullen-couture qui lui permettait de définir ses propres critères de sélection des immigrants à l’étranger.

Alors que le fédéral se traînait les pieds dans l’accueil des réfugiés de la mer vietnamien­s, le gouverneme­nt du Québec avait conçu, en 1979, son propre programme de parrainage, considéré comme un modèle unique au Canada.

Il avait permis d’accueillir au Québec plus de 15 000 Boat People, sans papiers et sans ressources. Au fil des cinq dernières décennies, avec leurs descendant­s, ils sont devenus nos médecins, nos pharmacien­s, nos ingénieurs, nos infirmiers, nos journalist­es, nos avocats, nos informatic­iens, nos écrivains, nos

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Désormais, le flux des demandeurs d’asile, légaux ou illégaux (comme au chemin Roxham l’été dernier), est un phénomène structurel qui ne peut être traité à la petite semaine.
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