Le Journal de Quebec

Des jumeaux nés de mères différente­s

- guy.fournier @quebecorme­dia.com

En un mois, j’ai perdu deux amis très chers. Les deux furent emportés par un cancer qu’ils ont combattu sans jamais se plaindre. Je ne parlerai pas d’eux dans cette chronique s’il n’y avait que notre amitié en cause – l’amitié est de nature privée –, mais leur disparitio­n est une perte pour tous les Québécois du monde du spectacle.

Sans ces jumeaux, qui ont la particular­ité d’être nés de mères différente­s, la scène musicale du Québec et notre paysage télévisuel ne seraient pas ce qu’ils sont.

À vrai dire, ces jumeaux n’étaient même pas parents. Ni de près ni de loin. Ils se ressemblai­ent pourtant comme deux gouttes d’eau. Le crâne lisse bordé d’une mince couronne de cheveux fins, de petits yeux rieurs et une bouche gentiment malicieuse. L’esprit vif, le rire facile. Le même souci du français bien parlé, mais sans affectatio­n. Ils tiquaient tous les deux quand je jurais devant eux, ce qui m’arrive encore trop souvent.

Le premier avait fait quelques mois au grand séminaire avant de conclure que la soutane n’était pas pour lui. L’autre, quelques mois au camp militaire avant de renier le métier des armes. Leur sens aigu de la justice les a conduits vers le droit. Le premier, devenu notaire, s’est lancé dans l’immobilier et l’autre s’est fait les dents en communicat­ion.

TRÈS NATIONALIS­TES

Politiquem­ent, ils étaient on ne peut plus pareils. Ils ont souvent voté libéral, mais profondéme­nt nationalis­tes, ils avaient voté « oui » au dernier référendum. Ces derniers mois, ils lorgnaient du côté de la CAQ, mais sans grande conviction.

Durant des années, ils ont fait de la politique. Le premier s’est fait élire à la mairie de Saint-lambert, puis à l’assemblée nationale comme député de Laporte avant de devenir ministre dans les cabinets de Robert Bourassa et de Daniel Johnson. Durant ce temps, l’autre travaillai­t discrèteme­nt aux côtés de Francis Fox avant de se retrouver au CRTC pour finalement devenir vice-président de Radio-canada. Après avoir fondé TV5 Canada et relancé TQS, il est devenu président du Fonds de télévision Québecor.

D’INFATIGABL­ES QUÊTEUX

Des projets, ils en avaient encore plein la tête. On aurait dit qu’ils avaient toujours 20 ans. Comme s’ils n’en avaient pas assez fait pour la collectivi­té, le premier rêvait de convertir tous les jeunes Québécois en amoureux de la musique classique et l’autre de rendre accessible­s à tous les jeunes Madelinots les grandes écoles, tout en construisa­nt aux îles une maison pour les aînés.

Je n’ai jamais rencontré deux « quêteux » pareils. Chacun a recueilli des millions de dollars en fouillant dans les poches des Québécois, fortunés ou non. Leur cause était la même : la jeunesse et son avenir.

QUELLE CHANCE J’AI EUE !

Que deviendrai­ent les jeunes ayant du talent pour la musique sans la fondation des Jeunesses musicales du Canada ? Parlez-en à la contralto Marie-nicole Lemieux. Combien de pianistes, de chanteurs et de violoniste­s seraient devenus de grandes vedettes sans le Concours musical internatio­nal de Montréal ? Parlez-en au pianiste Charles-richard Hamelin.

Sans la fondation Madeli-aide, peu d’étudiants madelinots auraient les moyens de sortir de leurs îles pour poursuivre leurs études sur le continent. Parlez-en à Thomas Jomphe, à Gabrielle ou Sophie Cormier et à des centaines d’autres boursiers.

Quelle chance j’ai eue de pouvoir compter sur l’amitié d’andré Bourbeau et de Franklin Delaney. Peut-être que j’ai eu cette chance parce que je suis jumeau aussi ?

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