Le Journal de Quebec

Shania Twain et Donald Trump

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ e Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r c L mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Étrange titre, n’est-ce pas ? Mais à drôle de situation, drôle de titre.

Il y a quelques jours, la chanteuse canadienne Shania Twain a confié au journal britanniqu­e The Guardian qu’elle aurait voté pour Donald Trump en novembre 2016, si elle avait été américaine. Elle ne semblait pas particuliè­rement enthousias­te à son endroit. Mais entre deux maux, comme on dit, elle voulait choisir le moindre.

SCANDALE ?

On sera d’accord, ou non. On se rappellera quand même que la moitié des Américains a fait le même choix et qu’on ne saurait y voir qu’une collection d’ignares, de malheureux, d’homophobes, de racistes et de sexistes, comme l’avait suggéré Hillary Clinton. Il doit bien y en avoir quelques millions dans le lot qui ne méritent pas notre mépris, non?

Et de toute façon, si nous sommes tous obligés de voter pour le même candidat, à la manière d’une obligation morale, pourquoi organiser des élections ?

Ne nous faisons pas d’illusions : ils sont nombreux à se le demander aujourd’hui. Ils ne font plus confiance au peuple. Alors ils préfèrent confier le pouvoir aux tribunaux, décrétés plus sages parce qu’affranchis des humeurs populaires. Mais je m’éloigne du sujet…

Pauvre Shania ! Elle aurait peut-être dû se taire et savoir que nous vivons dans un simulacre de démocratie, où les gardiens de la vertu idéologiqu­e s’assurent que nous ne sortions pas du corridor étroit de la pensée correcte. Elle aurait dû savoir qu’en confessant sa préférence électorale, elle ferait naître une tempête.

Et c’est ce qui est arrivé !

La « trumpophob­ie » est telle, aujourd’hui, qu’il suffit de ne pas détester à temps plein le président américain pour susciter une crise d’hystérie. Alors Shania, pénitente comme une artiste qui a peur de perdre son public, s’est excusée sur les médias sociaux. Elle a appris les bonnes prières, avant de les réciter. Elle s’est mise dans la foule qui hurle contre Donald Trump, et en a même rajouté, pour que l’on comprenne bien qu’elle faisait pénitence. Elle a rappelé qu’elle était contre toute forme de discrimina­tion, et tout le tralala. On s’en doute. Elle aurait même pu ajouter qu’elle n’aime pas qu’on martyrise les animaux, histoire de gagner quelques points de vertu.

EXCUSES

Succès relatif, néanmoins. Sur les médias sociaux, on en a vu douter d’une si prompte conversion. Alors en plus d’être une trumpienne modérée autoprocla­mée, Shania Twain est aussi accusée d’être une menteuse et une girouette. Charmante semaine pour la star canadienne…

Ce petit épisode est néanmoins révélateur d’un vrai problème : l’emprise du politiquem­ent correct sur la vie publique. Il étouffe les débats. Il nous oblige à rétrécir sans cesse le périmètre des propos acceptable­s. Dans le cas de Trump, par exemple, on ne peut plus se contenter d’être puissammen­t contre sa politique : on doit être moralement scandalisé à temps plein par sa présence à la Maison-blanche, sans quoi, on nous accusera de complaisan­ce à son endroit.

Cela devient lassant.

 ??  ??
 ??  ?? La « trumpophob­ie » est telle aujourd’hui qu’il suffit de ne pas détester à temps plein le président américain pour susciter une crise d’hystérie.
La « trumpophob­ie » est telle aujourd’hui qu’il suffit de ne pas détester à temps plein le président américain pour susciter une crise d’hystérie.

Newspapers in French

Newspapers from Canada