Le Journal de Quebec

Y’a de la chicane dans la cabane

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Encore une fois le torchon brûle dans notre monde du film et de la télévision. Cette fois, les scénariste­s, toujours frileux, ne s’en prennent pas aux réalisateu­rs, mais aux monteurs. Ce qui ne signifie pas pour autant que scénariste­s et réalisateu­rs ont fumé le calumet de paix. Oh ! non…

Pour ceux qui ne sont pas familiers avec le métier, j’en donne les grandes lignes. L’auteur écrit un scénario que le réalisateu­r met en images. Le monteur choisit et assemble ces images et l’oeuvre prend forme. C’est simple comme bonjour, mais dans la réalité, chacun tire la « couverte » de son bord pour le baptême de l’oeuvre.

Le scénariste tient mordicus à ce qu’elle porte son nom. Le réalisateu­r aussi. Encore considéré comme le parent pauvre, le monteur réclame maintenant une part de paternité. Pour compliquer les choses, le producteur, parrain du nouveau-né, considère souvent qu’il est plus méritoire que les parents naturels et que, sans lui, l’enfant n’aurait pas vu le jour.

« DES TÊTES ENFLÉES » ?

Malgré les accalmies entre ces prétendant­s, la chicane finit toujours par reprendre. Cette fois, ce sont les scénariste­s Joanne Arseneau ( Faits divers), Nicole Bélanger ( Les rois mongols) et Marie Vien ( La passion d’augustine) qui montent au créneau contre les monteurs. Joanne, qui n’a pas la langue dans sa poche, a même traité les monteurs de « têtes enflées ».

Pour l’instant, seul le quotidien Le Devoir a consacré deux longs papiers à cette déclaratio­n de guerre, mais comme la mèche a été allumée par trois femmes scénariste­s, le conflit ne devrait pas tarder à enflammer toute notre petite planète.

Quand j’ai commencé à écrire pour la télévision, le public attribuait tout le mérite de l’oeuvre à l’auteur. Pour la bonne raison que si Roger Lemelin, Gratien Gélinas, Jovette Bernier ou Germaine Guèvremont étaient des auteurs connus, des réalisateu­rs comme Louis-georges Carrier, Yvon Trudel et Jean-paul Fugère étaient d’illustres inconnus. À L’ONF, où on faisait des films, on ne connaissai­t que les réalisateu­rs parce qu’ils étaient tous des hommes-orchestres.

RÉALISATRI­CES EN ATTENTE

Petit à petit, les réalisateu­rs ont pris du poil de la bête. Tellement qu’on ne se rappelle même pas les noms des scénariste­s des films de Jean Beaudin, de Gilles Carle ou de Michel Brault. Il y a déjà longtemps que les Jean-marc Vallée, Denis Villeneuve, Micheline Lanctot ou Christian Duguay ont relégué dans l’ombre les noms de leurs scénariste­s. Ils occupent seuls le devant de la scène.

À la télévision, il a fallu un demi-siècle pour que les réalisateu­rs prennent la place qu’ils occupent aujourd’hui. On sait désormais qui sont Sylvain Archambaul­t, Podz, Éric Canuel ou Jean-philippe Duval, mais à part Manon Brisebois (connue uniquement parce qu’elle pèse sur le « piton » de Tout le monde en parle), les femmes attendent encore leur reconnaiss­ance comme réalisatri­ces.

Je ne veux pas mettre d’huile sur le feu, mais dans cette lutte pour la reconnaiss­ance, les monteurs restent méconnus, même si leur apport à une oeuvre audiovisue­lle est indispensa­ble. En documentai­re, le travail du monteur est souvent plus important que celui du réalisateu­r.

Je mets mes lecteurs au défi de nommer le monteur ou la monteuse de n’importe laquelle de nos séries ou de nos films. Voilà pourquoi j’ai beaucoup de mal à comprendre qu’on puisse les traiter de « têtes enflées » !

À part Manon Brisebois, les femmes attendent encore leur reconnaiss­ance comme réalisatri­ces.

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