Le Journal de Quebec

Le père de Cédrika a pu enfin vivre son deuil

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Pour le père de Cédrika Provencher, le soir du 12 décembre 2015 a sonné plusieurs fins, dont celle de l’espoir de retrouver sa fille vivante. Depuis la découverte de ses ossements, le deuil a pu tranquille­ment s’amorcer.

« Pouvoir savoir où est son enfant, ça fait une énorme différence. Ça change beaucoup de choses. Il y a un “après”, et il y a beaucoup à faire », souligne Martin Provencher, qui a accepté d’accorder une rare entrevue depuis la découverte de Cédrika.

Pendant plus de huit ans, l’espoir qu’elle soit vivante le motivait à multiplier les efforts pour retrouver sa fille disparue le 31 juillet 2007, à l’âge de 9 ans.

Mais le 11 décembre 2015, la découverte fortuite d’ossements humains par des chasseurs dans un secteur boisé près de Trois-rivières allait entraîner officielle­ment la fin des recherches.

SAVOIR, ENFIN

Cette journée-là, M. Provencher a rapidement été averti qu’il s’agissait possibleme­nt des restes d’un enfant. Il a attendu une trentaine d’heures, de longues heures, avant de connaître les résultats des analyses effectuées par la Sûreté du Québec. Le lendemain soir, il est allé se coucher, toujours sans nouvelles.

« J’ai dit : si jamais c’est Cédrika, ils n’appelleron­t pas. Ça va cogner à la porte », se rappelle-t-il, attablé à sa résidence. Les minutes qui ont suivi lui ont donné raison.

Martin Provencher fait raisonner deux coups sur la table rappelant le bruit, lourd de sens, qui l’a tiré de son lit. « Ben là, tu le sais que c’est… c’est là », souffle-t-il difficilem­ent, ému.

« Tu pleures, mais la réaction est bizarre, c’est un mélange d’émotions », confie M. Provencher. Ce soir-là, il a vécu une forme de délivrance. « Une délivrance de savoir, enfin », se souvient-il.

UN LONG CHEMINEMEN­T

« L’après », pour lui, est un long cheminemen­t avec ses hauts et ses bas.

« Le deuil, ça ne se fait pas comme ça. Et en même temps, la vie continue, on a des obligation­s. Ce sera toujours une blessure qui est là. C’est d’apprendre à vivre avec, et de ne pas la mettre dans une boîte », illustre le père de famille, émotif.

Il y a eu les funéraille­s, l’été suivant. Martin Provencher se rend d’ailleurs souvent au cimetière où elle repose désormais.

« J’y vais, même si des fois ce n’est que pour un détour de deux minutes. C’est l’endroit où je sais qu’elle est, maintenant. »

Encore aujourd’hui, il admet toujours travailler « à enlever la carapace » qu’il s’est créée au fil des ans.

« Ça brise beaucoup de choses dans une vie. Ça change une vie. Alors, tu dois te refaire une vie », mentionne-t-il.

Dans les mois suivant la découverte, il s’est replongé dans les souvenirs de Cédrika, qu’il avait enfouis dans des boîtes.

« Tu y vas progressiv­ement, quand tu es capable. La première fois, j’ai pleuré ma vie », raconte l’homme.

S’il travaille à « recréer ses moments de bonheur », M. Provencher assure ne pas entretenir de rancoeur, même si personne n’a été arrêté à ce jour en lien avec l’enlèvement et le meurtre de sa fille.

« Je ne dis pas que je n’en voudrai pas à la personne qui l’a fait un jour, mais je ne veux pas détruire ma vie plus qu’elle a été détruite, dit-il. Ça prendra aux policiers deux ans, 10 ans, mais moi, au moins, je peux savoir où était ma fille. C’était le but. »

 ?? PHOTO SOPHIE CÔTÉ ?? La mémoire de Cédrika est bien présente chez son père, Martin Provencher, qui a notamment reçu ce portrait de sa fille en cadeau.
PHOTO SOPHIE CÔTÉ La mémoire de Cédrika est bien présente chez son père, Martin Provencher, qui a notamment reçu ce portrait de sa fille en cadeau.

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