Un trio faisait la morale à de présumés pédophiles
L’un des membres est déçu d’être coupable alors que ceux qu’il dénonçait sont toujours libres
SHERBROOKE | Un homme de 24 ans qui voulait faire la morale aux pédophiles a l’impression d’être puni plus sévèrement que les déviants sexuels qu’il pourchassait.
À l’été 2017, Bruce Foley était révolté d’observer le nombre élevé de pédophiles qui semblaient actifs sur internet.
Avec ses amis William Drapeau, 28 ans, et Sarah Montagne, 20 ans, ils ont décidé d’agir comme « traqueurs de pédophiles ».
Ils ont créé un faux profil Facebook d’une fille âgée d’environ 14 à 16 ans, qu’ils ont diffusé sur des sites de rencontres populaires.
Ils ont alors constaté que des hommes de 40 ans et plus provenant de plusieurs villes du Québec manifestaient un grand intérêt pour cette adolescente fictive. Celle-ci ne leur avait fait aucune avance.
DE BONS CITOYENS ?
« Il en mouille [des pédophiles]. Ça n’arrêtera pas demain matin. Ce qui m’étonne, c’est qu’ils sont fiers d’être des pédophiles amoureux », a dit M. Foley en entrevue hier.
M. Foley et ses complices croyaient agir en bons citoyens et n’auraient jamais cru être arrêtés pour ça.
Les Sherbrookois ont échangé pendant des semaines avec ces hommes qui fantasmaient sur la pseudo jeune fille.
Les « pedo hunters » ont donné rendez-vous à certains dans des endroits publics de Sherbrooke.
« Des hommes parcouraient des heures de voiture pour rencontrer la jeune fille », a dit M. Foley, encore surpris par la quantité de présumés pédophiles qu’ils ont traqués en quelques semaines seulement.
DES « PROIES » SE PLAIGNENT
Lorsque l’individu se pointait au rendez-vous, les trois amis l’attendaient et passaient plusieurs minutes à lui faire la morale, parfois de façon assez agressive. Mais aucune violence physique n’a été utilisée.
Les trois complices filmaient leurs interventions et les cartes d’identité des individus dans le but de les dénoncer sur les réseaux sociaux.
Les « chasseurs de pédophiles » avaient même un logo qu’ils affichaient sur leur voiture. Ils voulaient rendre service à la société, assure M. Foley.
Leur traque s’est arrêtée lorsque deux présumés pédophiles se sont sentis menacés et ont porté plainte à la police. Les trois comparses ont été arrêtés et accusés de harcèlement criminel.
Leur ordinateur, qui comprenait plusieurs vidéos de leurs interventions, a été saisi.
Après son arrestation, M. Foley aurait aimé pouvoir assister les policiers dans leur enquête et que toute la preuve qu’il avait recueillie avec ses amis puisse leur servir.
Il dit avoir subi par la suite des menaces des groupes de pédophiles. Ceux-ci, sous le couvert de l’anonymat, voulaient s’en prendre au trio.
M. Foley et M. Drapeau, qui n’avaient aucun antécédent criminel, ont été déclarés coupables de harcèlement criminel, mercredi, au palais de justice de Sherbrooke.
Ils devront effectuer des travaux communautaires.
PAS LEUR JOB
Mme Montagne qui collaborait à cette « chasse aux pédophiles » a reçu une absolution conditionnelle.
M. Foley trouve dommage d’avoir un dossier criminel alors que ses « proies » s’en sortent avec rien, pour l’instant.
« Ça envoie le message que le système de justice protège les pédophiles », dit-il.
Ce dernier assure que son groupe se tiendra tranquille à l’avenir.
« Ça nous tient à coeur, mais on ne peut pas agir. La justice a dit que ce n’est pas notre job de faire ça », a conclu Bruce Foley.
« IL EN MOUILLE [DES PÉDOPHILES]. ÇA N’ARRÊTERA PAS DEMAIN MATIN. CE QUI M’ÉTONNE, C’EST QU’ILS SONT FIERS D’ÊTRE DES PÉDOPHILES AMOUREUX » – Bruce Foley, coupable de harcèlement criminel