Le Journal de Quebec

Les dinosaures

- CLAUDE VILLENEUVE Directeur Opinions claude.villeneuve@quebecorme­dia.com @vclaude

Au cours de la dernière semaine, les artisans du Journal vous ont fait le récit des obstacles qu’ils rencontren­t lorsqu’ils tentent de vous informer sur la manière dont vos impôts sont dépensés.

Agents d’informatio­n qui se braquent par défaut devant les questions des journalist­es ; approbatio­ns dilatoires exigées en très haut lieu ; refus injustifié­s : tout y passe dans la volonté des gouverneme­nts, tant québécois que canadien, de se soustraire à leur devoir d’imputabili­té.

Philippe Couillard avait promis de diriger le gouverneme­nt le plus transpa- rent de l’histoire. Justin Trudeau s’engageait à faire briller le soleil sous la chape de plomb que Stephen Harper avait jeté sur l’appareil fédéral. Pourtant, rien n’a changé.

En cette ère de l’informatio­n, alors que la technologi­e et la multiplica­tion des plateforme­s permettaie­nt d’espérer un nouvel éclairage sur les administra­tions, les données ouvertes qu’on promet de rendre disponible­s servent plutôt d’alibis pour ne pas dévoiler ce qui compte vraiment.

LE BONNET D’ÂNE

Comme si les hordes barbares étaient aux portes, les dinosaures qui ont la charge de gérer l’informatio­n gouverneme­ntale assument que leur travail se résume à faire en sorte que la machine communique le moins possible. Au temps de l’hypertrans­parence, lorsqu’on parlera de vous en ligne même si vous ne participez pas à la conversati­on, cette attitude délétère mine la crédibilit­é et même la légitimité des organi- sations publiques.

Le bonnet d’âne revient à l’assemblée nationale et à son président, Jacques Chagnon. Celui-ci n’a de cesse de défendre les privilèges de ses membres, tout en réclamant de très vastes pouvoirs quant à sa gouvernanc­e interne, mais en se refusant à toute reddition de comptes. Le tout pour l’institutio­n qui a pour mission de créer les lois.

Ne pas comprendre que de se placer dans un tel quadrilatè­re de prétention­s discrédite­rait n’importe quelle organisati­on témoigne d’un profond divorce avec la réalité contempora­ine. Des parlementa­ires de tous les partis politiques ont fini par larguer le président Chagnon. Ils ont l’intention de se représente­r, eux.

LE QUÉBEC PRÉCURSEUR

Notre dossier de cette semaine fait la démonstrat­ion, une nouvelle fois si c’était nécessaire, que les politicien­s ne changent leurs comporteme­nts que lorsque l’on jette la lumière sur les mauvaises pratiques. Dans un tel contexte, il ne faut donc pas s’étonner et il faut continuer de s’inquiéter que l’accès à l’informatio­n rétrecisse comme peau de chagrin et que toutes les promesses de réformes restent lettre morte.

Certes, ne viendra pas le jour où les citoyens-contribuab­les manifester­ont pour exiger que les lois d’accès à l’informatio­n soient mises à jour ou, à tout le moins, respectées. N’empêche que ceux qui se soucient de la santé de nos démocratie­s auraient tort de n’y voir que la revendicat­ion de quelques journalist­es qui veulent améliorer leurs conditions de travail.

Le Québec est devenu en 1982 l’une des premières juridictio­ns au monde à se doter d’une loi d’accès à l’informatio­n. C’était une grande fierté pour l’ancien scribe qu’était René Lévesque. Il considérai­t que c’était là une de ses ré- formes les plus importante­s. Le Canada a imité le Québec l’année suivante.

De précurseur qu’il était, il est triste que le Québec soit devenu un cancre. Pour restaurer la dignité de nos institutio­ns, il nous appartient d’exiger que cela change.

Il faut montrer la voie. Une nouvelle fois.

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Le bonnet d’âne revient à l’assemblée nationale et à son président, Jacques Chagnon.

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