Le Journal de Quebec

DE LA GUERRE ATOMIQUE SPECIAL AUTO PULLOUT SECTION

- Loïc Tassé

Il y a quelques mois à peine, les deux Corées semblaient sur le point de déclencher une guerre nucléaire. Hier, à Panmunjom, le président Kim Jong-un et le président Moon Jae-in ont conclu une entente historique au terme de laquelle les deux dirigeants ont promis de désormais travailler à la paix entre les deux pays.

La rencontre au sommet entre les deux Corées est une répétition générale de la grande négociatio­n à venir entre Donald Trump et Kim Jong-un. Cette négociatio­n va bien au-delà du désarmemen­t nucléaire de la Corée du Nord et de la réunificat­ion éventuelle des deux Corées. Elle va aider à dessiner les contours de la nouvelle place de la Chine et des États-unis en Asie et dans le monde.

Le sommet entre les deux Corées a donné des résultats très concrets. Le commerce entre les deux Corées devrait s’accélérer. Si tout va bien, les entreprise­s sud-coréennes pourront de nouveau s’installer dans des zones économique­s spéciales nord-coréennes, où la maind’oeuvre est bon marché. Le tourisme va reprendre. Les visites pour regrouper les familles seront permises. Les échanges de toutes sortes entre les deux Corées vont se multiplier.

LA GRANDE INCONNUE : LE NUCLÉAIRE

Mais la grande inconnue demeure le désarmemen­t nucléaire de la Corée du Nord. Kim Jong-un a déclaré que sa politique de développem­ent de l’armement nucléaire avait mené la Corée du Nord à la victoire. Il a annoncé l’ouverture d’un nouveau front : celui du développem­ent économique. La stratégie de Kim est évidente. Il négocie la dénucléari­sation contre le développem­ent économique de son pays.

LES ENJEUX DE LA DÉNUCLÉARI­SATION

La dénucléari­sation pose deux problèmes majeurs. Premièreme­nt, la Corée du Nord est tapissée d’installati­ons souterrain­es toutes plus secrètes les unes que les autres. Il est très facile d’y cacher du matériel nucléaire. On voit mal comment des inspecteur­s internatio­naux pourraient avoir accès à ces sites. La vérificati­on effective de la dénucléari­sation de la Corée du Nord est impossible.

Ensuite, le gouverneme­nt nord-coréen a toujours spécifié qu’il amorcerait une dénucléari­sation de la péninsule coréenne si la menace américaine cessait. Kim Jong-un a accepté de négocier avec les États-unis sans condition préalable. Mais l’absence de conditions préalables, comme la fin des exercices conjoints entre Sud-coréens et Américains ou encore comme le départ des bases américaine­s en Corée du Sud, ne signifie pas que ces conditions ne seront pas exigées par la suite.

VULNÉRABIL­ITÉ AMÉRICAINE

Les Américains sont politiquem­ent très vulnérable­s en Corée du Sud. Les Sud-coréens n’aiment pas que des troupes étrangères stationnen­t sur leur territoire. Le plus grand allié du gouverneme­nt nord-coréen pourrait être Donald Trump lui-même. C’est que Trump est en faveur du retrait des troupes américaine­s de plusieurs régions du monde. Il l’a d’ailleurs réitéré cette semaine lors de la visite d’emmanuel Macron, à propos du Proche et du Moyen-orient. Or, les États-unis ont besoin d’argent pour reconstrui­re leurs infrastruc­tures.

Sauf que la situation géopolitiq­ue du Proche et du Moyen-orient n’a rien à voir avec celle de l’asie de l’est. Le Proche et le Moyen-orient sont des nids de guêpes, traversés par des oléoducs, aux portes d’une superpuiss­ance déchue, la Russie. L’asie de l’est est au coeur des nouveaux réseaux du commerce mondial, avec en son sein une superpuiss­ance naissante, la Chine.

GAINS POUR LA CORÉE DU NORD

La Corée du Nord a beaucoup gagné de ce sommet. Si les négociatio­ns avec Trump se déroulent bien, alors Kim Jongun aura le feu vert de Washington pour financer son plan de développem­ent de l’économie nord-coréenne. Ce financemen­t sera probableme­nt assuré en partie par la Corée du Sud. Mais la Russie a déjà signifié son intérêt pour la constructi­on d’infrastruc­tures nord-coréennes, notamment en transport et en énergie électrique.

OPINION DIVISÉE AU SUD

L’opinion publique en Corée du Sud est divisée sur ces négociatio­ns. Certes tout le monde souhaite un traité de paix. Mais que vaut un traité de paix avec la Corée du Nord ? Que vaut la parole de Kim Jongun ? Dans l’immédiat, les négociatio­ns sont à l’avantage des entreprise­s sud-coréennes qui trouveront en Corée du Nord une main-d’oeuvre docile et bon marché.

PROBLÈMES À LONG TERME

Les véritables problèmes se posent à plus long terme. Comment réunifier les deux Corées ? À quel prix pour les Sud-coréens ? Et surtout avec quel système politique ? Personne au Sud ne veut se retrouver sous le joug de Kim Jong-un. Et les dirigeants nord-coréens redoutent de perdre leurs richesses, leur pouvoir, ou pire encore, d’être jugés pour leurs crimes.

On y verra plus clair bientôt, avec la rencontre prochaine entre Trump et Kim.

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PHOTO AFP Le leader nord-coréen Kim Jong-un et le président sud-coréen Moon Jae-in célèbrent après avoir signé un texte promettant la fin de la guerre dans la péninsule coréenne.
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