Le Journal de Quebec

Il veut des réponses depuis 11 ans

Jean Lajoie se demande ce qui a bien pu arriver à son fils Philippe, disparu mystérieus­ement

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Contrairem­ent à d’autres parents, un homme de Lanaudière ne se fait pas d’illusions et considère que son fils disparu mystérieus­ement depuis 11 ans est bel et bien mort. Mais il cherche encore à comprendre ce qui a pu lui arriver, le soir de la Saint-valentin en 2007.

Assis à la table de sa maison de Saint-didace, Jean Lajoie revit avec émotion le dernier repas qu’il a partagé avec son fils Philippe, qui était alors âgé de 23 ans.

« On venait de finir de manger du rosbif, avec des patates pilées. Il était assis là », relate M. Lajoie, en pointant, émotif, la place de Philippe à sa gauche.

TEMPÊTE

À l’extérieur, la tempête se levait et Philippe Lajoie se préparait à partir vers Yamachiche pour « faire sa tournée » quotidienn­e à la porcherie, dont il s’occupait avec son frère aîné.

Le jeune homme se tenait dans le cadre de porte, prêt à partir, mais son père hésitait à y aller avec lui.

« J’ai regardé le temps dehors, et je lui ai dit que j’irais finalement une autre fois avec lui. Je lui ai dit : “Sois prudent” », évoque-t-il.

SENTIMENT DE CULPABILIT­É

Jean Lajoie se demande encore si le sort de son fils aurait été différent s’il l’avait accompagné à la porcherie.

« À un moment donné, je me suis senti coupable, confie-t-il. Même aujourd’hui, ça me gruge. Si j’étais allé avec lui, peut-être qu’il n’y aurait rien eu. »

À deux heures du matin, cette nuit-là, Philippe n’était toujours pas revenu.

Sa mère Pierrette raconte avoir eu l’impression que Philippe l’appelait à l’aide.

En pleine nuit, M. Lajoie et son autre fils se sont rendus à la porcherie, à une quarantain­e de kilomètres de la maison.

La porte du bâtiment était mal fermée, la lumière du bureau était allumée. La camionnett­e de Philippe était là, la clé dans le contact.

Le jeune homme avait enlevé et replacé son habit de travail et ses bottes après avoir accompli sa besogne. Mais il n’y avait aucune trace de lui.

« On a fait le tour de la porcherie, mais il ventait tellement, ça effaçait nos traces à mesure », se souvient l’homme de 65 ans.

Dans les jours suivants, des battues ont eu lieu. Un poste de commandeme­nt a été érigé par la Sûreté du Québec, qui a considéré l’endroit comme une scène de crime.

UNE ERREUR SUR LA PERSONNE ?

Onze ans ont passé et les Lajoie n’ont toujours aucune idée de ce qui est arrivé à Philippe.

« Il n’y a rien. Rien. Comme s’il n’avait jamais existé », déplore Jean Lajoie.

L’homme décrit son fils comme « un gars tranquille », célibatair­e et « sans histoire », « qui ne touchait pas à l’alcool et à la drogue » et « qui travaillai­t jusqu’à 14 heures par jour ». « J’en ai-tu braillé des shots. J’allais sur le lit de Philippe, confie M. Lajoie. Ça fait assez mal, ça te déchire les tripes. »

Selon lui, son fils pourrait avoir été victime « d’une espèce d’erreur sur la personne ».

« Ou il a peut-être vu quelque chose qu’il n’aurait pas dû voir », soumet-il, incertain.

RETROUVER SES OSSEMENTS

Nourrit-il un mince espoir de le retrouver vivant ? « Non. Ben non, répond M. Lajoie, résigné. La deuxième ou troisième journée après sa disparitio­n, j’ai dit à Pierrette : “On reverra jamais notre gars. Jamais on le reverra vivant.” »

À contrecoeu­r, M. Lajoie est même passé devant un juge en 2015 pour le faire déclarer mort, afin d’aider son autre fils, qui était associé avec Philippe, à toucher l’argent des assurances.

L’espoir des parents du disparu réside maintenant dans la possibilit­é que des langues finissent par se délier.

« Un jour, on va peut-être retrouver ses ossements, espère M. Lajoie. Il a droit à une sépulture qui a de l’allure. Il ne faut pas qu’il traîne n’importe où dans les bois. »

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PHOTO COLLABORAT­ION SPÉCIALE, ANDRÉANNE LEMIRE Jean Lajoie tient ici une photo de son fils Philippe, dont il n’a pas eu de nouvelles depuis le soir de la Saint-valentin, en 2007.

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