Une bactérie « mangeuse de pétrole » pour dépolluer
Découverte québécoise pour nettoyer les déversements pétroliers
Une bactérie « mangeuse de pétrole » pourrait nettoyer nos dépotoirs toxiques, nos nappes phréatiques contaminées et faire des marées noires un cauchemar du passé, d’après une découverte québécoise.
On pourrait par exemple l’utiliser lors de la rupture d’un pipeline dans un champ ou une rivière ou pour le nettoyage de terrains contaminés comme celui des lagunes de Mercier, un des sites les plus toxiques du Canada.
Cette bactérie vorace s’appelle Alcanivorax borkumensis, ou A. borkumensis pour les intimes. On la retrouve naturellement dans tous les océans de la planète.
C’est notamment grâce à cette championne microscopique du nettoyage que le pétrole déversé en mer lors de déversement disparaît progressivement naturellement.
Le génome de A. borkumensis a été décodé il y a une dizaine d’années, en Allemagne. Toutefois, le potentiel décontaminant de ce microorganisme à l’extérieur de son milieu naturel n’avait jamais été évalué avant qu’il croise la route de l’équipe de Satinder Kaur Brar, de l’institut national de recherche scientifique (INRS), à Québec.
« En milieu marin, ce sont des bactéries robustes et tolérantes aux hydrocarbures. Plus que tolérantes, elles en tirent leur énergie », explique la chercheuse.
ARSENAL D’ENZYMES
La bactérie produit en fait un véritable arsenal d’enzymes qui dégradent à peu près tous les composés que l’on trouve dans les hydrocarbures. Elles sont particulièrement friandes de benzène, de xylène et de toluène, des poisons très toxiques pour l’homme et l’environnement, dit la professeure Brar.
Les scientifiques allemands avaient aussi documenté en laboratoire les capacités des enzymes de A. borkumensis à éliminer le mercure, le cuivre et d’autres métaux lourds.
L’équipe québécoise a sélectionné les enzymes de A. borkumensis les plus efficaces et les a observés en action dans des échantillons de sols toxiques provenant de véritables terrains contaminés du Qué- bec que lui a fournis la compagnie Technorem.
Cette entreprise a notamment travaillé à la caractérisation environnementale de l’ancien dépotoir Sambault, situé à Saint-isidore, sur la Rive-sud de Montréal.
L’endroit renferme de fortes doses de contaminants, pour la plupart cancérigènes, qui menacent d’empoisonner l’eau potable.
TESTÉE AU QUÉBEC
Pour débarrasser le sol des poisons, la professeure Brar prévoit encapsuler les enzymes de A. borkumensis pour les injecter dans la terre. D’après ses observations en laboratoire, les enzymes suivraient le fil de l’eau souterraine.
En chemin, elles détruiraient 80 % des composés des hydrocarbures.
Les chercheurs de L’INRS feront des tests sur le terrain cet été, afin de bien comprendre comment les enzymes de A. borkumensis se comportent en milieu naturel.
Si tout va bien, ils pourraient produire de petites armées de « mangeuses de pétrole » dans des bioréacteurs et les stocker dans des bassins huileux pour les déployer rapidement à la demande.