Le Journal de Quebec

Complainte pour Sainte-catherine

- LISE RAVARY

Chaque fois qu’un maire parle de ressuscite­r la Catherine, je m’inquiète. Elle a bien besoin d’amour, mais doit-on en faire une rue à la mode, design et proprette pour figurer dans les guides touristiqu­es alors que son âme est chaotique, historique et effervesce­nte ?

La mairesse déplore que les touristes ne la fréquenten­t pas. Ils se pâment plutôt pour le Montréal souterrain, unique au monde, mais idiotement rebaptisé RÉSO en 2004. « Excuse me, I’m from Ohio, where is RAAYYSO ?»

« Moi, j’me promène sous Sainte-catherine. J’profite de la chaleur du métro. Je n’me regarde pas dans les vitrines. Quand il fait trente en dessous d’zéro » – Kate et Anna Mcgarrigle

HISTOIRE D’AMOUR

Je fréquente cette artère vitale depuis toujours. Ado, je jouais de la guitare devant la cathédrale anglicane et je vendais le journal hippie Logos au coin de Mansfield, question de financer une soirée au Whiskey à Gogo.

En face de la cathédrale, ma cantine, le premier Mcdonald’s à Montréal avec ses burgers à 20 cents enveloppés de papier d’aluminium. Ils goûtaient la même chose que le hamburger de base d’aujourd’hui, avec ketchup et tranche de cornichon.

Tout près, le grand magasin Simpson’s (avant la loi 101) et mon préféré, Eaton’s. Et Morgan’s, aujourd’hui La Baie. L’été, il y avait foule partout, même si les trottoirs étaient étroits. La chaussée appartenai­t aux gars qui sifflaient les filles en robe soleil en faisant vrombir le moteur de leur Mustang décapotabl­e, avant que ça ne devienne une agression sexuelle.

Valérie Plante veut changer tout cela. Une seule voie pour les véhicules, le reste pour les piétons. J’imagine les embouteill­ages monstres et le cauchemar pour stationner. Désolée, JAMAIS je n’abandonner­ai mon auto. Primo, je viens de la campagne. Secundo, j’ai trop mal au dos pour voyager debout. Tertio, j’aime la clim’ l’été, la radio pour les nouvelles, et la sainte paix. Égoïste ? Non, rebelle. Je déteste me faire dicter ma conduite par les politicien­s.

À VENDRE

C’est bien beau le mobilier urbain, des arbres qui poussent dans le béton, mais ça ne va pas attirer les touristes. Il n’y a pas de restaurant­s chouettes et de terrasses sur Sainte-catherine. L’immense majorité des commerces appartienn­ent à des chaînes de fast fashion : Aldo, Gap, H&M, Zara, Victoria’s Secret, Forever 21, etc. que l’on retrouve dans tous les centres commerciau­x qui, eux, offrent en prime le stationnem­ent gratuit et le beau temps, tout le temps.

Vous pensez que les gens traversero­nt mers et frontières pour magasiner chez Gap rue Sainte-catherine en février ? Because les trottoirs et les éclairages DEL ?

Les gens viendront si la rue Sainte-catherine se pare d’un mélange savant de commerces grand public, de boutiques originales, certaines temporaire­s, et d’adresses prestigieu­ses. Agrémentée d’étals de fruits, de bouffe de rue, de kiosques à magazines et de souvenirs, de terrasses, d’exposition­s, de musique.

Mais à ce sujet, pas un mot de la mairesse qui, je le suspecte, utilise le réaménagem­ent de Sainte-catherine pour poursuivre son oeuvre de débarrasse­r Montréal de l’automobile.

Rendez-vous en 2021.

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lise.ravary@quebecorme­dia.com

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