Le Journal de Quebec

Une autre corvée de nettoyage en Beauce

De sombres prévisions font craindre une troisième crue de la rivière Chaudière à Sainte-marie

- JEAN-FRANÇOIS RACINE ET CATHERINE BOUCHARD

Les pieds dans l’eau, en pleine corvée de nettoyage, des citoyens de Sainte-marie imploraien­t le ciel hier pour que la deuxième crue de la rivière Chaudière soit la dernière de la saison même si de fortes pluies sont encore prévues.

Avec un niveau à la baisse, les sinistrés évaluaient les dégâts, alors que la rivière Chaudière retournait tranquille­ment dans son lit. Le découragem­ent ne figure pas au vocabulair­e des Beaucerons malgré les 15 à 20 millimètre­s de pluie au menu pour aujourd’hui.

Une nouvelle hausse est à prévoir selon le Centre des opérations gouverneme­ntales (COG).

« Ça fait deux fois qu’on ramasse tout le magasin et qu’on met ça dans une remorque. Ça prend 1 h 30 avec de l’aide. Presque trois nuits sans dormir ! », explique Linda Rodrigue, de la station-service Alimentati­on du Pont, à Sainte-marie.

« J’espère que c’est la dernière fois. C’est assez ! J’ai trois pompes. Quand c’est humide, mes jambes me font mal un peu », ajoute Jacques Perreault.

L’homme âgé de 82 ans en a vu d’autres depuis 1973 sur la rue des Berges. À côté de lui, seul son chien Puppy semblait s’amuser, les pattes dans l’eau.

« Vendredi, j’avais réussi à contrôler l’inondation, j’avais juste un pied d’eau. Mais lundi, deux de mes pompes ont sauté et j’ai eu 5 pieds d’eau », affirme Julien Couture.

PAS LA PIRE INONDATION

Outre les pompes, le jet à pression et l’eau de Javel étaient des outils populaires, hier.

Pour sa part, Éric Carrier se consolait en pensant à la pire inondation de l’histoire de la municipali­té, en 1917. Les archives font état de 14 cm de pluie en 24 heures, des centaines de maisons détruites et des ponts arrachés.

« Moi je suis allé travailler quand même ! », lance le citoyen en mettant de l’essence dans sa pompe.

De son côté, Donald Morais plaide en faveur de travaux majeurs. « Je veux qu’on creuse et qu’on élargisse la rivière à partir de Saint-joseph. On a fait une autoroute et on a envoyé l’eau en bas. J’ai surélevé la maison en 1991, et si ça continue, je vais en avoir encore sur la galerie. »

Malgré ses dégâts, Daniel Dubois n’a pas hésité à utiliser sa chaloupe pour aider son entourage.

« J’ai fait le taxi à du monde. Je suis allé porter un ami au travail », indique-t-il.

C’était jour de nettoyage à Lévis hier après que la rivière Beaurivage soit sortie de son lit et ait inondé une trentaine de résidences du secteur Saint-étienne-de-lauzon. Pour certains, cette nouvelle crue des eaux était celle de trop.

Karine Bilodeau, résidente de la route des Rivières, peinait à garder le moral lorsque rencontrée par Le Journal à travers les débris dispersés dans son garage.

Ces débris, ce sont des meubles, jouets, accessoire­s de piscine et autres objets que la dame a sortis de son sous-sol, toujours rempli d’environ un pied d’eau hier après-midi.

« Je suis tannée, plus capable, soupire la mère de trois enfants. Si c’était juste de moi, je donnerais les clés à la banque et je leur dirais de s’arranger avec, mais ce n’est pas comme ça que ça fonctionne. »

La dame a acquis sa résidence en 2010 et a déjà été inondée à quelques reprises depuis. Elle se dit prête à déménager, mais convient que ça ne se fait pas en claquant des doigts. « On se résigne parce qu’on n’a pas le choix, mais c’est dur. »

PLUS DE CINQ PIEDS D’EAU

Un peu plus loin, sur la rue Oscar-carrier, les pompiers et les inspecteur­s en bâtiment de la municipali­té de Lévis s’affairaien­t à inspecter les résidences de sinistrés afin de s’assurer de la sécurité des lieux.

Michel Roy fait partie du groupe, mais avait déjà pris des précaution­s par le passé.

L’eau qui encerclait sa maison a monté d’environ cinq pieds tout autour, mais ce n’était pas suffisant pour faire des dommages à l’intérieur.

« On a fait remonter la maison. Et c’est solide », lance le sinistré, qui a malgré tout dû être évacué en canot pneumatiqu­e par les autorités lundi.

TOUJOURS VIGILANTS

En point de presse en matinée, le ministre de la Sécurité publique a précisé que Lévis et la Beauce se trouvaient « en mode rétablisse­ment ». Les autorités surveillen­t toutefois de près l’évolution de la situation en raison des précipitat­ions attendues d’ici la fin de la semaine.

« Il va y avoir d’autres pluies à partir de demain [aujourd’hui], donc il pourrait y avoir une remontée des niveaux d’eau dans certains secteurs », a indiqué Martin Coiteux, ajoutant que les secteurs « au nord du Saint-laurent » étaient le plus à risque.

De son côté, Régis Labeaume assure faire tout ce qui est nécessaire, mais rappelle qu’il ne « peut empêcher l’eau de couler ». « Au moment où on se parle, malgré [la pluie] qui est prévue, on devrait être corrects, mais je ne peux pas vous le pro- mettre, je suis juste le maire de Québec, je ne suis pas Dieu. On est en hyper vigilance, on pense qu’on va passer au travers, mais je ne peux pas vous le garantir », a indiqué le maire de Québec.

À PRÉVOIR DANS LE FUTUR

Questionné sur la possibilit­é de voir des événements semblables se reproduire à un rythme plus rapide dans le futur, le ministre a admis que les changement­s climatique­s accéléraie­nt les choses.

« Quand ça arrive aux 10 ou 15 ans, c’est une chose, mais quand ça arrive aux 3 ou 4, ou même parfois 2 ans, c’est autre chose. C’est beaucoup plus difficile pour nos citoyens et c’est pour ça qu’il faut faire les investisse­ments nécessaire­s pour lutter contre les changement­s climatique­s », affirme Martin Coiteux.

— Avec la collaborat­ion de Jean-luc Lavallée

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Jacques Perreault, 82 ans, attendait que l’eau se retire de son sous-sol avant de commencer à nettoyer, hier, à Sainte-marie, en Beauce. PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS
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PHOTO CATHERINE BOUCHARD « On commence à avoir hâte que ça lâche, nous sommes découragés. Deux, coup sur coup, c’est fort ! » a lancé Réal Gingras, qui avait encore deux pieds d’eau dans son sous-sol, hier, à Sainte-marie, en Beauce.
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PHOTO PIERRE-PAUL BIRON Michel Roy, qui demeure sur la rue Marcel-roussel dans le secteur Saint-étienne, à Lévis, explique aux pompiers jusqu’à quelle hauteur montait l’eau qui encerclait sa maison.
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PHOTO JEAN-FRANÇOIS DESGAGNÉS Même si l’eau s’est retirée de la rue Notre-dame, à Sainte-marie, le terrain à l’arrière de la résidence d’éric Carrier était toujours complèteme­nt inondé en fin de journée hier.

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