Le Journal de Quebec

Nous sommes encore des colonisés

- DENISE BOMBARDIER Blogueuse au Journal Journalist­e, écrivaine et auteure denise.bombardier @quebecorme­dia.com

Une des mesures les plus symbolique­s prises par le PLQ est celle qui remplace des zones d’exploitati­on contrôlée (zecs) créées en 1978 par des clubs privés de chasse et pêche. Jusque-là, les Québécois n’avaient pas accès à ces paradis de chasse et de pêche à moins d’appartenir à l’élite financière.

Qui eût cru qu’un gouverneme­nt du Québec aurait un jour l’outrecuida­nce d’ouvrir la brèche en « reclubant » au profit de quatre pourvoirie­s à faire rêver tous les milliardai­res du monde, passionnés de pêche au saumon du Grand Nord.

Selon le ministère, ce sont des considérat­ions fauniques qui expliquera­ient la décision. En clair, le saumon de l’atlantique est menacé partout au Québec sauf au Nunavik, où l’on ne réussit pas à obtenir de données sur leur capture. Les fonctionna­ires du ministère croient que les pourvoyeur­s seraient plus aptes à envoyer des données fiables au ministère. L’on apprenait aussi que ces quatre pourvoirie­s de luxe, qui se partagent un territoire quasi vierge, assureraie­nt des retombées économique­s remarquabl­es pour la région peuplée exclusivem­ent d’inuit.

FRISSONS

En clair, les Québécois n’auront plus accès à ce morceau du Québec. Qui peut se payer des séjours allant de 2000 $ jusqu’à 8000 $ par jour pour les frissons que l’on ressent à se battre contre le saumon, cette sublime espèce pour laquelle tout pêcheur — et je m’y inclus — éprouve du respect ?

Voilà que le ministre Luc Blanchette contredit à l’assemblée nationale mercredi les informatio­ns publiées dans Le Journal le matin, en assurant que la décision ministérie­lle est motivée par le désir d’aider les Inuit à protéger leur territoire ancestral. Or aucune demande de la sorte n’a été confirmée par les communauté­s inuites. En fait, tous les organismes intéressés à la protection du saumon n’ont jamais recommandé qu’on accorde des droits exclusifs à des pourvoirie­s.

Nous redevenons ainsi des étrangers sur une partie de notre territoire confisquée au profit d’une poignée de privilégié­s argentés. Cette mesure porte en elle un symbole lourd de sens. Nous ne sommes plus chez nous... chez nous. Comme dans le temps où nos gouverneme­nts bradaient aux étrangers nos richesses naturelles, forêts, mines et électricit­é.

VALEUR SYMBOLIQUE

Cette brèche, si réduite soit-elle, en dit long sur la tentation que l’on devine de détricoter notre patrimoine en quelque sorte. C’est au nom du bien commun entre autres que le gouverneme­nt du PQ avait créé les zecs en 1978. Et c’est au nom du slogan « Maîtres chez nous » que le PLQ dirigé par Jean Lesage avait nationalis­é l’électricit­é et créé la Caisse de dépôt et placement dans les années soixante.

Et que dire d’une autre brèche qui s’ouvre ? Les partis politiques institutio­nnalisent un débat électoral en anglais, une première. Or ce débat comporte aussi une valeur symbolique. Il ouvre la porte à un bilinguism­e qui se pointe à l’horizon. À ce jour, l’anglais n’est pas interdit à l’assemblée nationale, mais les députés anglophone­s s’expriment en français, sauf exception. Qui peut nous assurer que cet usage ne changera pas avec la réélection d’un premier ministre par une immense majorité d’anglophone­s et d’allophones ?

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Cette brèche en dit long sur la tentation de détricoter notre patrimoine.

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