Le Journal de Quebec

Voir aussi la chronique de Mario Dumont

Je crois bien que tout le monde au Québec voulait voir l’avenir de La Presse assuré. Qu’on ait aimé ou pas sa ligne éditoriale, il s’agit d’une grande institutio­n du Québec et d’un important réservoir de talent journalist­ique.

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

La Presse devenue OBNL, un nouveau modèle qui exige des subvention­s… et soulève des questions

J’ai beau être très fier du Journal où j’ai le privilège d’écrire, une société démocratiq­ue doit maintenir une diversité de sources d’informatio­n.

J’avoue mon énorme ambiguïté devant ce nouveau modèle d’organisme à but non lucratif que devient le grand quotidien montréalai­s. Ce n’est pas rien : passer du giron de Power Corporatio­n à ni plus ni moins qu’un organisme de charité…

De toute évidence, cette nouvelle a semé l’enthousias­me à l’interne. Les employés craignaien­t qu’un véritable acheteur soit synonyme de réduction des dépenses et donc de mises à pied importante­s. Le nouvel OBNL ne semble pas vivre avec l’impératif de rentabilit­é qu’aurait annoncé un acquéreur ayant signé un vrai chèque de sa poche.

ARGENT PUBLIC

Ce nouveau modèle soulève néanmoins des questions énormes pour la suite des choses. Interrogés à savoir comment un OBNL ramènerait la rentabilit­é à La Presse, les dirigeants ont été transparen­ts : ce sont les subvention­s gouverneme­ntales qui deviennent maintenant possibles.

Il n’est nullement question de revoir en profondeur la structure des dépenses, il n’y a pas de changement du modèle de La Presse+ pour générer de nouveaux revenus. Pour cette organisati­on qui roule visiblemen­t dans le rouge, la différence au bilan doit venir d’abord des octrois de fonds publics. Peut-être ensuite des dons philanthro­piques.

Si l’état doit assurer année après année la survie financière de l’organisati­on, La Presse devient-elle une espèce de société d’état déguisée ? Le modèle de Radio-canada. La SRC génère des revenus autonomes, notamment par la vente de publicité, mais c’est la subvention gouverneme­ntale qui boucle la boucle.

Souvenons-nous de la guerre livrée par Radio-canada contre Stephen Harper. Celui-ci avait demandé un effort financier à toutes les sociétés d’état, incluant la SRC. On l’a accusé d’avoir coupé les vivres à Radio-canada, où il était devenu l’ennemi numéro un. Une fois élu, Justin Trudeau annonce rapidement l’impensable somme de 700 millions supplément­aires. Délicate position.

DÉCISIONS POLITIQUES ?

Dorénavant, la capacité de La Presse de maintenir son niveau d’employés pourrait bien dépendre en grande partie d’une décision annuelle des gouverneme­nts : le montant de la subvention. Situation précaire. Pire encore que la SRC qui est une organisati­on publique avec un long historique. La Presse risque de bénéficier d’un programme nouveau et sculpté sur mesure pour ses besoins.

D’ailleurs, permettez-moi de m’interroger sur l’impression­nante confiance que cette aide gouverneme­ntale viendra. Il y a des gens bien connectés chez Power Corporatio­n. Ont-ils fait l’annonce d’hier comme un pari risqué en espérant que les pouvoirs publics embarquero­nt ? Ou auraient-ils obtenu des garanties secrètes du gouverneme­nt Trudeau ? Leur OBNL est un récipient à subvention­s. Ils ont l’air bien certains que quelqu’un va verser quelque chose dedans.

Quelle sera la structure de L’OBNL ? Qui en dirigera les destinées ? Qui fixera la ligne éditoriale ? Beaucoup de questions demeurent.

Un nouveau modèle ? Une prudence extrême est requise.

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