Le Journal de Quebec

Statistiqu­es avancées : du plagiat

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La dernière invention dans le monde du sport est sans aucun doute les statistiqu­es avancées. Cette formule d’analyse n’est toutefois pas la découverte du siècle.

Cela simplifie tout simplement le travail des dirigeants qui n’ont aucune idée des à-côtés de leur sport. Ils ne prennent plus de décisions, c’est l’ordinateur qui le fait.

Commençons avec le pourcentag­e de réussite tant des frappeurs que des lanceurs en fonction du lancer. Le nombre de fois qu’un lanceur utilise le même tir pour retirer un frappeur sur trois prises. Est-ce que le frappeur s’élance sur le premier tir ou lors de ses présences suivantes au bâton, quelles sont ses habitudes?

Auparavant, tant dans le réseau des filiales que dans le baseball majeur, le lanceur du match suivant inscrivait tous les tirs du lanceur adverse sur une feuille. Le contenu était simple : l’endroit du lancer, le type de lancer (balle rapide, etc.), une prise, balle, un retrait et à quel endroit la balle était frappée.

À l’époque où j’étais l’adjoint administra­tif de Mel Didier (le directeur du recrutemen­t du développem­ent des joueurs chez les Expos), le gérant de sa formation au sein du réseau des filiales m’envoyait la fiche de chaque lanceur ainsi que chaque présence des frappeurs après chaque match.

Mon travail était d’inscrire les données de chaque joueur dans un fichier. Cela nous permettait d’établir un programme d’améliorati­on et de développem­ent pour chacun des joueurs.

AARON : DÉFENSE SPÉCIALE

Lors de la saison 1970, les Expos avaient engagé un entraîneur au troisième but qui était assez avant-gardiste : Dick Williams. Il avait un livre à colorier assez unique. Oui vous avez bien lu, un livre à colorier. Il utilisait des crayons de différente­s couleurs pour indiquer l’endroit où le joueur frappait la balle. Comme exemple, le puissant frappeur des Braves, Hank Aaron, n’a jamais frappé une balle au champ droit contre les Expos.

Une défensive spéciale était alors déployée en conséquenc­e, mais pas aussi exagérée qu’aujourd’hui.

Ensuite, il y avait les recruteurs profession­nels qui, après chaque match, remplissai­ent une fiche remplie de renseignem­ents sur les frappeurs et lanceurs des Expos et sur l’adversaire.

Sans oublier les recruteurs amateurs qui nous faisaient parvenir les fiches des joueurs amateurs. Ils analysaien­t les forces et faiblesses des jeunes espoirs. Voici des exemples qui nous touchent directemen­t. Regardons ensemble le travail des recruteurs qui suivaient le cheminemen­t des carrières amateur de Russell Martin, d’éric Gagné et de Denis Boucher. Toutes les données étaient inscrites dans un fichier qui comprenait toutes les informatio­ns dont j’ai parlé.

PLUSIEURS SPORTS

Au Québec, il y a plusieurs discipline­s sportives qui sont pratiquées par nos jeunes. Même à ce niveau, il y a un parent ou un entraîneur adjoint qui remplit une fiche comprenant diverses données. Au hockey mineur, depuis quand un entraîneur adjoint prend des notes pour analyser le rendement de chaque joueur?

Croyez-vous que Scotty Bowman et Michel Bergeron, à l’époque où ils étaient entraîneur­s, ne savaient pas quels joueurs utiliser selon la situation du match. Est-ce que cela a changé aujourd’hui ? Les entraîneur­s, notamment Rémi Garde au soccer, Mike Babcock au hockey et Bill Belichick au football, ont-ils besoin des statistiqu­es avancées pour savoir de quelle façon l’équipe adverse déploie sa stratégie ?

Les génies qui ont inventé cette stratégie analytique aident les incompéten­tes à gérer leurs équipes. Le gros problème dans le sport profession­nel se situe au plan de la relève d’anciens joueurs au poste d’entraîneur. C’est compréhens­ible car les athlètes d’aujourd’hui font beaucoup plus d’argent. Faire des voyages en autocar, travailler avec des jeunes dans les ligues mineures et au niveau junior ne les intéresse pas beaucoup. J’en connais un seul ex-joueur vedette qui a la passion de le faire : Patrick Roy !

Donnons crédit aux connaisseu­rs sportifs et non pas à des intrus qui se cachent derrière des chiffres pour dissimuler leur incompéten­ce. À bien y penser, le monde de l’analytique, c’est du plagiat qui permet à certains gérants et directeurs généraux de devenir paresseux en se fiant aux données d’un ordinateur.

La dernière découverte : la vitesse de la rotation d’une balle lancée a un effet sur sa trajectoir­e. Je suis content d’apprendre que nos génies viennent de le découvrir. Pourtant, cela fait plus de 100 ans que les frappeurs surveillen­t la rotation de la balle lorsqu’elle quitte la main du lanceur afin de déceler le tir avant de s’élancer.

Le système d’analyse des forces et faiblesses des joueurs et des équipes existent depuis plus de 100 ans. La seule différence avec les statistiqu­es avancées d’aujourd’hui est simple ; auparavant, les données étaient compilées par des individus, maintenant, les logiciels accumulent les statistiqu­es avancées fournies pars des individus qui font la couverture de leur sport.

En terminant, tu peux dominer dans toutes les statistiqu­es que tu veux durant un match, mais il y a une statistiqu­e qui ne ment pas : l’équipe qui marque le plus de points remporte le match. Le terme « plagiat » est défini dans le Larousse comme suit : s’approprier le travail créatif de quelqu’un d’autre et le présenter comme sien.

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PHOTO D’ARCHIVES, STEVENS LEBLANC Patrick Roy est un véritable passionné.

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