Le Journal de Quebec

Notre télévision n’est pas un OBNL

- GUY FOURNIER guy.fournier @quebecorme­dia.com

Le quotidien La Presse devient un organisme sans but lucratif, qu’on appelle simplement OBNL dans le jargon comptable. Comme si La Presse n’était pas sans but lucratif depuis déjà des années, ses pertes permettant à Power Corporatio­n d’économiser des impôts substantie­ls tout en gardant son influence médiatique.

Si Ottawa maintient l’hypothèse énoncée à l’occasion du dernier budget, La Presse pourrait bientôt toucher des subvention­s gouverneme­ntales. Elle pourrait même accorder des reçus pour des dons déductible­s d’impôt. Comme le Musée des Beaux-arts ou la Fabrique de Ste-émélie-de-l’énergie. Les prochains directeurs du quotidien se retrouvera­ient donc sur le même pied que les marguillie­rs de Ste-émélie. Jolie perspectiv­e !

Il n’en fallait pas plus pour que des amis prétendent que le quotidien de la rue Saint-jacques ne sera donc pas différent de la télévision, qui est aussi généreusem­ent subvention­née. Le grand public fera sans doute le même amalgame.

ON NE PEUT COMPARER

Il n’y a aucune comparaiso­n possible entre le projet que caresse La Presse, projet qui a dû être avalisé par Ottawa et Québec compte tenu de l’influence de Power Corp. La télévision comme le cinéma sont de vieux bénéficiai­res de l’aide gouverneme­ntale, mais à des titres très différents que ceux qu’on propose pour La Presse.

La radio et la télévision de Radio-canada sont ni plus ni moins que des médias d’état, même si une partie de leur financemen­t émane de la publicité. Quant à notre cinéma, il bénéficie d’une aide financière substantie­lle, administré­e en partie par Téléfilm et en partie par la SODEC, selon que les dollars viennent d’ottawa ou de Québec.

En 1994, pour soutenir les producteur­s indépendan­ts et améliorer la qualité des programmes de télévision, on a créé le Fonds de production des câblodistr­ibuteurs. Il était sous la direction du CRTC et financé entièremen­t par les câblodistr­ibuteurs. Deux ans plus tard, Sheila Copps, ministre du Patrimoine, prend la responsabi­lité du Fonds et ajoute annuelleme­nt 100 millions $ d’argent public. Le partenaria­t public-privé prend alors le nom de Fonds de télévision du Canada.

L’INFORMATIO­N N’EST PAS ADMISSIBLE

En 2010, James Moore fusionne le Fonds des nouveaux médias et le Fonds de télévision et infuse plus de 30 millions $ d’argent public. C’est ainsi que naît le Fonds des médias du Canada, qui reste un partenaria­t public-privé. Sans ce fonds, la plupart de nos séries, de nos grands documentai­res, de nos variétés et de nos meilleures émissions pour enfants ne seraient pas possibles.

Pour ne pas compromett­re l’indépendan­ce de l’informatio­n, Ottawa a eu la sagesse d’exclure de l’aide du Fonds des médias les émissions d’informatio­n et d’affaires publiques, ainsi que les bulletins de nouvelles.

LA FISCALITÉ, L’UNIQUE MOYEN

L’état ne peut aider directemen­t la presse écrite sans qu’on cesse de croire à son indépendan­ce. Il serait discrimina­toire aussi d’aider uniquement les journaux dont les propriétai­res sont « pauvres ».

C’est uniquement par la fiscalité, les crédits d’impôts ou d’autres mesures semblables qu’on peut aider la presse écrite. Par la fiscalité, on peut aussi décourager les nombreux annonceurs qui délaissent nos médias au profit des géants américains de l’internet.

Par les temps qui courent, les richissime­s États-unis n’ont aucune gêne à protéger leur marché. Pendant ce temps, leurs multinatio­nales s’arrogent tous les droits à l’étranger. Nos gouverneme­nts peuvent sûrement trouver des moyens plus astucieux d’aider la presse qu’en lui faisant bêtement l’aumône.

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