Le Journal de Quebec

Djihadiste en liberté

- LISE RAVARY lise.ravary@quebecorme­dia.com

Irwin Cotler, l’ex-ministre de la Justice du Canada qui fut le conseiller juridique de Nelson Mandela, croit que Justin Trudeau ne sait pas reconnaîtr­e le Mal.

Un sérieux handicap de nos jours.

Le regard halluciné qu’il porte sur les djihadiste­s canadiens qui reviennent au pays après avoir combattu avec l’état islamique en témoigne. Les échanges à ce sujet à la chambre des Communes en novembre dernier étaient surréalist­es.

Les conservate­urs posaient les questions que se posent les Canadiens, mais le gouverneme­nt pataugeait dans la guimauve. « Nous avons des outils de surveillan­ce et de sécurité nationale que nous utilisons de manière significat­ive, a dit le premier ministre au chef de l’opposition. Mais nous avons aussi des méthodes pour déprogramm­er des gens qui veulent faire du mal à notre société. »

Un homme qui admet avoir commis des atrocités va-t-il réintégrer la société sur la seule promesse de ne plus recommence­r ?

RIEN LÀ

Selon le ministre de la Sécurité publique Ralph Goodale, le Canada aurait identifié environ 250 personnes, ayant des liens avec le pays, soupçonnée­s de s’être rendues au Moyen-orient pour participer à des activités terroriste­s. Une soixantain­e d’individus seraient revenus depuis deux ans, mais le gouverneme­nt refuse d’en dire plus.

L’un d’entre eux, Abu Husayfah al-kanadi, un Torontois d’origine pakistanai­se, a fait la manchette récemment quand il s’est vanté dans un podcast du New York Times d’avoir commis des atrocités au nom de l’état islamique après s’être rendu en Syrie à l’âge de 17 ans.

Au moment où j’écris ces lignes, Abu Husayfah vit en liberté à Toronto. Il a été rencontré et interrogé par la GRC et par les services de renseignem­ents, mais n’a jamais été arrêté. Il serait en processus de déradicali­sation et affiche des regrets. L’ex-djihadiste qui l’accompagne dans sa déradicali­sation dit que ce sera long.

Abu Husayfah, son nom de guerre, veut faire ses études, se marier et fonder une famille.

C’est tout ? Un homme qui admet avoir commis des atrocités va-t-il réintégrer la société sur la seule promesse de ne plus recommence­r ? Sans être tenu responsabl­e des meurtres qu’il avoue avoir commis ?

PROTECTION OU PUNITION ?

J’ai beau examiner cette question sous tous ses angles, l’âge du combattant quand il est parti, son retour volontaire au Canada, la déradicali­sation à laquelle il semble se soumettre (même si personne ne peut dire avec certitude que cela fonctionne), la fragilité de sa santé mentale, je n’arrive pas à conclure que ses crimes doivent rester impunis. La société doit tout au moins être protégée de son instabilit­é psychologi­que.

Le gouverneme­nt refuse de répondre aux questions de l’opposition qui exige qu’abu Husayfah soit arrêté et accusé. Ralph Goodale, fidèle à luimême, refuse d’en parler. « Les Canadiens sont en sécurité », répète-t-il. Mais encore ? La majorité des Canadiens approuvent une éventuelle réinsertio­n sociale de gens qui ont commis des crimes contre la personne. Mais pas avant qu’ils aient payé leur dette à la société.

Sentant la soupe chaude, Abu Husayfah dit maintenant qu’il a inventé ce qu’il a raconté au New York Times. Le New York Times explique que son processus de vérificati­on sera révélé en temps et lieu.

Puisque Justin Trudeau peine à identifier le Mal, les Canadiens doivent exiger qu’un tribunal le fasse à sa place.

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Ralph Goodale Ministre fédéral de la Sécurité publique

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