Charles Lafortune et l’exemple de Lavoix
Quel que soit le réseau, notre télévision ne prêche pas par l’exemple quand il s’agit de représenter la diversité du Québec ou du Canada francophone. Là-dessus, la télévision anglophone a toujours surclassé la nôtre. Il y a longtemps qu’à CTV comme à la CBC, les écrans ne sont pas presque exclusivement « blancs de souche ».
Au gala Artis de dimanche, tous les gagnants étaient québécois de souche, sauf la talentueuse Ludivine Reding, dont le papa est d’origine française. N’empêche que pour une fois, grâce aux propos de Charles Lafortune, gagnant de deux trophées, la notion de diversité n’était pas absente.
L’acteur-animateur n’est pas de ceux qui brassent la cage à propos de tout et de rien. C’est même un homme réservé, quelque peu timide malgré sa taille de géant. En mars, lorsque Walmart a mis fin abruptement à son programme d’embauche des handicapés, Lafortune avait sauté une coche et employé sur les réseaux sociaux un langage qui ne lui est pas habituel. Si le geste lui était si odieux, c’est que son fils Mathis souffre d’autisme et que plusieurs autistes faisaient partie des rejetés de Walmart.
FIER D’ANIMER LA VOIX
Dimanche soir, en cueillant son trophée de « personnalité masculine », Lafortune a de nouveau condamné le geste de Walmart, sans toutefois nommer la chaîne. Mais son propos était clair et n’a trompé personne. En acceptant son trophée de meilleur animateur d’émissions de variétés, il a dit qu’il ne saurait être plus fier d’avoir animé La Voix, une émission faisant une grande place à la diversité.
Cette même fierté, je l’avais éprouvée lors de la finale du 6 mai. La sixième édition de La Voix était le parfait exemple de ce que le Québec est devenu en deux ou trois décennies. Si les « de souche » n’y sont pas encore en minorité, leur domination ne survivra pas aux prochaines années. Des 48 candidats choisis pour participer à La Voix, plus du tiers n’étaient pas de parents qui sont québécois de souche.
TRIOMPHE DE LA DIVERSITÉ
La finale fut un authentique triomphe de notre diversité. Miriam Baghdassarian, d’origine arménienne, Yama Laurent, d’origine haïtienne, Yann Brassard, de descendance haïtienne lui aussi, et Jonathan Freeman, dont le père est anglophone, se disputaient les grands honneurs. Je reste secrètement convaincu que l’incroyable Kelly Bado, d’origine ivoirienne, aurait été en finale si elle n’avait pas été opposée en duel à l’invincible Yama Laurent. Mais ça, c’est une autre histoire.
Les six saisons de La Voix ont révélé des talents exceptionnels. Chacune comportait son lot d’interprètes qui n’étaient pas d’origine québécoise. S’il en est ainsi pour le chant, pourquoi en serait-il autrement pour les autres formes d’expression artistique ?
TOUJOURS LA MÊME EXCUSE
Depuis des années, l’excuse de nos producteurs est toujours la même : s’il n’y a pas plus de diversité dans la distribution des rôles, si nos séries ne représentent pas mieux notre diversité, c’est qu’il n’y a pas assez d’acteurs et d’actrices d’origine étrangère. Il y avait pourtant assez de candidats talentueux d’origine étrangère pour qu’ils constituent plus du tiers de la dernière cohorte de La Voix.
Peut-être faudrait-il confier la distribution des rôles de nos séries à Stéphane Laporte et Esther Teman, les deux responsables des choix pour La Voix ?