Le Journal de Quebec

Le crépuscule de l’école de quartier

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

Le Devoir d’avant-hier éclairait un phénomène en forte expansion au Québec : l’école sur mesure.

Un couple de la Rive-sud de Montréal cherchait l’école « idéale » pour ses enfants. On ne s’étonnera pas qu’il ne l’ait pas trouvée.

Ces gens ont donc fondé leur propre école, « cohérente avec notre système de valeurs », disent-ils.

C’est 8000 $ par année et c’est approuvé par les autorités ministérie­lles. Dans cette école, c’est même chaque classe qui est différente.

« Notre but, dit l’un des fondateurs, c’est que l’enfant aime l’école. »

Comment réagira l’enfant quand il arrivera sur un marché du travail qui ne se pliera pas à ses goûts ?

PARTOUT

Le Devoir nous apprend que ces écoles sur mesure ou à profil particulie­r se multiplien­t, autant dans le réseau privé que dans le réseau public.

Forcément, le modèle progressiv­ement marginalis­é, c’est celui de l’école publique de quartier traditionn­elle, accueillan­t gratuiteme­nt et sans distinctio­n tous les enfants du secteur et offrant le programme ministérie­l standard, celle qu’on appelle dans le jargon québécois l’école « inclusive ».

Avant de grimper dans les rideaux ou de refaire le sempiterne­l procès de l’école privée — non pertinent ici puisque ce phénomène touche aussi le secteur public —, il faut voir que cette évolution, probableme­nt irréversib­le, est à l’image de toute la société.

Les partis politiques se meurent parce que les gens acceptent de moins en moins les inévitable­s compromis qu’il faut y faire.

Les médias généralist­es perdent du terrain au profit des médias spécialisé­s qui vous offriront de la cuisine, du sport ou des documentai­res à temps plein.

Les entreprise­s sont aux prises avec une nouvelle génération d’employés qui, avant d’avoir accompli quoi que ce soit, exigent des ajustement­s et une reconnaiss­ance.

Jadis, on s’adaptait à la société. Aujourd’hui, on veut adapter la société à nous.

Comme le dit le personnage du truand joué par Jack Nicholson dans The Departed de Martin Scorsese : « Je ne veux pas être un produit de mon environnem­ent, je veux que mon environnem­ent soit un produit de moi ».

Je ne défends absolument pas une école figée enseignant un programme immuable.

Tout change, et si ces nouvelles écoles aident à contrer l’abandon scolaire, on ne saurait être complèteme­nt opposés.

CONSÉQUENC­ES

Je me pose cependant trois questions.

Si on conçoit une école pour qu’elle soit au goût de l’enfant, comment réagira-t-il quand il arrivera sur un marché du travail qui ne se pliera pas à ses goûts ?

Il est souhaitabl­e qu’un enfant aime l’école, mais si elle est aménagée en conséquenc­e, ne devient-il pas plus difficile de lui faire comprendre qu’il faut souvent, dans la vie, accepter de faire des choses qu’on n’aime pas ?

Et s’il y a de moins en moins un savoir et des points de repère communs, facilite-t-on vraiment la compréhens­ion mutuelle et la collaborat­ion ?

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