Le Journal de Quebec

Courageuse­s ou dangereuse­s ?

- LISE RAVARY

J’ai un malaise face à l’acceptatio­n du recours collectif – au civil – du regroupeme­nt Les Courageuse­s, une vingtaine de femmes qui auraient été agressées par Gilbert Rozon.

Pas parce que je ne les crois pas, pas parce qu’il plane au-dessus de tout soupçon, mais parce que le juge Donald Bisson a écrit ceci dans sa décision :

« Il est irréaliste de demander que la membre désignée (ndlr Patricia Tulasne) fournisse une preuve matérielle ou un aveu de son prétendu agresseur, deux éléments qui de toute façon ne sont pas disponible­s, surtout vingt ans après les faits. »

Au civil, la preuve n’a pas à être « hors de tout doute raisonnabl­e » comme au criminel, mais « celle qui a plus de chances d’être vraie ».

Mais non pas inexistant­e.

PROBLÉMATI­QUE

Et puis, prouver quoi ? Qu’il y a eu agression sexuelle ? Harcèlemen­t sexuel ? Ce n’est pas la même chose, ni les mêmes lois.

Tout ça commence à être dangereuse­ment vaseux. Ce que je crains depuis que le mouvement #Moiaussi espère obtenir plus de condamnati­ons pour crimes sexuels ou des peines plus sévères que les six mois dans la collectivi­té de Luck Mervil.

Pour y arriver, les tribunaux devront-ils décider sans preuve ni aveux ?

Patricia Tulasne dit qu’elle a cédé aux avances de Gilbert Rozon. « C’était plus simple… Je ne voulais pas me mettre un autre producteur à dos. » Elle a eu honte.

Je la comprends, car une histoire semblable m’est arrivée il y a très longtemps. Je connaissai­s le gars. Il n’était pas violent. J’aurais pu crier, fuir. Mais j’ai consenti, pensant « enwèye qu’on en finisse ». Parce que c’était plus simple.

Je ne suis pas la seule à vivre avec un tel souvenir, mais pour être « courageuse », j’aurais dû avouer que je m’étais trahie moi-même.

Ça, je ne pouvais pas.

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