Le Journal de Quebec

Une déclaratio­n de revenus unique ?

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ mathieu.bock-cote @quebecorme­dia.com @mbockcote

Une vieille revendicat­ion autonomist­e vient de remonter à la surface de notre vie politique : la déclaratio­n de revenus unique. Elle a d’abord été formulée par L’ADQ de Mario Dumont, en son temps, avant d’être reprise par les partis politiques québécois, ces derniers temps.

Il y a même eu une motion unanime de l’assemblée nationale à ce sujet, ce qui est assez rare pour être mentionné, tant le Québec est divisé dans sa vision de l’intérêt national.

UNANIMITÉ

Il s’agirait essentiell­ement de rapatrier à Québec la collecte des impôts. On simplifier­ait ainsi incroyable­ment une opération qui touche directemen­t la vie des Québécois.

On éviterait aussi un stupide dédoubleme­nt administra­tif entre la bureaucrat­ie provincial­e et la bureaucrat­ie fédérale, comme le Canada a tendance à les accumuler. C’est-à-dire qu’on économiser­ait collective­ment beaucoup d’argent.

Tout le monde serait gagnant. Et pour la première fois depuis longtemps, le Québec ferait un gain concret d’autonomie. Un gain minimal, certes. Mais un gain quand même.

Il n’en demeure pas moins que cette revendicat­ion pourrait bien rester lettre morte. Elle ne semble pas enthousias­mer Ottawa. Mais ce qui est étonnant, ce sont les arguments qui sont pour l’instant avancés pour dire non à Québec.

En gros, officielle­ment, on s’inquiète des pertes d’emplois qu’une telle mesure occasionne­rait dans la fonction publique fédérale au Québec. On sacrifiera­it, dit-on, de bons emplois en Mauricie et au Saguenay.

Cet argument a été repris par le Syndicat des employés de l’impôt. Apparemmen­t, ces pertes d’emplois seraient catastroph­iques. L’argument emportera peut-être les esprits rudimentai­res, mais prenons la peine d’y réfléchir minimaleme­nt.

Longtemps, les souveraini­stes ont soutenu que l’indépendan­ce du Québec permettrai­t au Québec de faire de vrais gains d’efficacité.

Pour reprendre la formule de Stéphane Gobeil, le Québec pourrait se débarrasse­r d’un gouverneme­nt de trop : celui d’ottawa. J’aime le dire autrement : il y a trop d’états au Québec : il y en a deux.

Mais cet argument est désormais retourné contre les nationalis­tes québécois. On devrait apparemmen­t se réjouir de ce dédoubleme­nt bureaucrat­ique inefficace et coûteux. On quitte ici la logique de l’intérêt général et du bien commun pour défendre de manière décomplexé­e un corporatis­me inutile. Le simple bon sens est congédié.

GASPILLAGE

On ne doute pas de la compétence technique des employés fédéraux. Mais le Québec a-t-il besoin de deux appareils administra­tifs non pas complément­aires, mais superposés pour collecter ses impôts ? Bien sûr que non.

Qu’on puisse avancer cet argument sans rire en dit beaucoup sur l’état de décomposit­ion morale de la société québécoise, où chacun se replie sur ses petits privilèges sans être capable de voir au-delà. Si on parlait sans crainte de vexer nos concitoyen­s, on pourrait même parler d’une corruption morale d’une partie de la société québécoise, qui a troqué le patriotism­e pour le clientélis­me.

Et le fédéralism­e y est pour quelque chose. Il nous invite à voir dans le gaspillage une vertu, et dans l’inefficaci­té administra­tive une marque de rationalit­é supérieure.

 ??  ??
 ??  ?? Il y a trop d’états au Québec : il y en a deux.
Il y a trop d’états au Québec : il y en a deux.

Newspapers in French

Newspapers from Canada