Floués par une société minière qui vendait du rêve
Des investisseurs ont perdu gros en misant sur une mine de graphite qui n’a jamais vu le jour
Des dizaines d’investisseurs disent avoir perdu gros après avoir succombé aux promesses d’un projet minier qui vendait du rêve. Ils accusent maintenant les promoteurs d’avoir fait de la publicité trompeuse et se croient victimes d’une manipulation boursière.
Le Montréalais Dan Simard est l’un de ceux qui se seraient fait avoir. En mars dernier, pour faire fructifier les 2000 $ qu’il avait de côté, il a jeté son dévolu sur Graphite Energy Corp (GRXXF), une compagnie de Vancouver avec un projet minier situé près de Mont-laurier, dans les Laurentides.
Munie d’un site web léché et saupoudré de logos de firmes réputées comme Tesla et Boston Dynamics, GRXXF semblait être une valeur sûre.
Quelques heures plus tard, l’homme de 31 ans regardait avec horreur ses actions piquer du nez. « C’était ma première expérience, je voulais que mon argent fluctue un peu », se désole celui qui a perdu près des trois quarts de son investissement, et qui nous a demandé de modifier son nom pour ne pas être identifié. « J’aurais eu plus de chance au casino », affirme-t-il.
La valeur de GRXXF a depuis chuté de 89 %, soit d’environ 40 millions de dollars.
Les données disponibles au public ne permettent pas de déterminer la somme exacte qu’ont perdu les investisseurs ni combien de personnes ont investi. Mais sur les forums de discussion, des dizaines de gens disent avoir été floués.
PERTE DE 10 000 $ PENDANT UNE PAUSE
Deux Américains joints par notre Bureau d’enquête disent aussi avoir été victimes. Un dénommé Michael Myers nous a raconté avoir perdu 10 000 $ US le temps de sa pause du midi, quand les actions ont chuté. Stephen Collins, un investisseur inexpérimenté basé en Floride, nous a quant à lui confié avoir perdu 700 $.
« Ce n’est pas une somme énorme, mais pour moi, c’était beaucoup », dit-il amèrement.
Selon des experts en investissement, cette situation a toutes les allures d’un cas de gonflage et largage, plus communément appelé un pump and dump.
Les artisans de ce genre de stratagème achètent un grand volume d’actions d’une compagnie qui ne vaut pas grand-chose et en font gonfler la valeur grâce à des promotions exagérées ou trompeuses. Après avoir attiré de nouveaux investisseurs, les complices vendent leurs actions en bloc avec des profits considérables.
SECTEURS À LA MODE
Ils ciblent souvent des secteurs à la mode comme le cannabis, la cryptomonnaie et les mines, trois domaines en pleine croissance au Québec, selon Ken Lester, professeur en finance à l’université Mcgill et président d’une compagnie de gestion d’actifs.
« Il y a évidemment une part de vérité dans certaines de ces histoires. [...] Mais quand les investisseurs se ruent sur la prochaine “grande innovation”, cela peut entraîner de la négligence, de la paresse, de l’illégalité dans certains cas », estime-t-il.
Les actionnaires qui ont causé la chute des actions de GRXXF l’ont fait par l’entremise de comptes anonymes, ce qui nous empêche de voir combien ils étaient et quelles sommes ils ont amassées.
PROFITS ÉNORMES
Le journaliste financier Braden Maccke note toutefois que la quantité d’actions vendues pour quelques sous dans les premiers jours de l’entreprise – 12 millions d’actions à un prix total d’environ 450 000 $ – correspond au nombre d’actions vendues en bloc alors que leur valeur avait beaucoup augmenté.
M. Maccke estime que le gain sur ce bloc de transactions douteuses est d’environ 12,5 millions $, ce qui semble signifier d’énormes profits pour quiconque a su tirer son épingle du jeu.
Ken Lester souligne que les fraudeurs sont aidés par la prolifération de compagnies de promotion qui, moyennant des dizaines de milliers de dollars, produisent des articles et des communiqués de presse promotionnels.
Éthiquement discutable, la promotion d’actions n’est toutefois pas illégale quand les informations diffusées sont véridiques.