Le Journal de Quebec

L’accent québécois de Lowe’s

Le géant américain voit le Canada comme un tremplin pour gagner une expérience à l’internatio­nal

- SYLVAIN LAROCQUE

Cela fait deux ans que Lowe’s a mis la main sur RONA et contrairem­ent à ce que plusieurs Québécois redoutaien­t, le géant américain n’a pas réduit la taille du siège social de Bouchervil­le. Au contraire.

L’entreprise compte aujourd’hui environ 1400 employés administra­tifs sur la Rive-sud de Montréal. C’est 300 de plus qu’en 2016.

Lowe’s Canada emploie toujours quelque 250 personnes à son bureau de Toronto, où se trouvait auparavant son siège social. Mais trois vice-présidents principaux ont déménagé au Québec.

De plus, Lowe’s a acquis les installati­ons de Bouchervil­le, que RONA louait. On y a investi 5 M$ pour les moderniser et y accueillir plus de travailleu­rs.

L’entreprise loue même une partie de l’ancien siège social de Jean Coutu, à Longueuil, pour y loger son service informatiq­ue.

PRESSIONS NATIONALIS­TES

Lors de l’annonce de la transactio­n LOWE’S-RONA, en 2016, la population et les opposition­s à l’assemblée nationale avaient réagi fortement à la vente de ce fleuron québécois.

Aujourd’hui, des concurrent­s comme BMR et Patrick Morin se positionne­nt dans le marché en affichant clairement le fait qu’ils sont de propriété québécoise.

Le grand patron de Lowe’s Canada, Sylvain Prud’homme, assure que ce contexte n’a rien eu à voir dans la décision de consolider au Québec le centre décisionne­l de l’entreprise.

« On ne pouvait pas prendre une organisati­on complexe comme RONA et repartir à zéro ou presque à Toronto, ç’aurait été ridicule », lance-t-il en entrevue au Journal.

Cela dit, plusieurs changement­s ont été opérés. Des cadres ont été remplacés. Le grand manitou issu de l’ancienne garde, Alain Brisebois, a ainsi quitté son poste en janvier.

« J’étais le numéro 2 de l’organisati­on pendant la période de transition, puis il arrivait un moment où je débarquais », explique au Journal celui qui était chef de la direction commercial­e de RONA depuis 2013.

« Je n’ai pas vraiment d’amertume, insiste M. Brisebois. J’ai une immense fierté de ce qui a été fait. C’est l’une des plus belles intégratio­ns d’acquisitio­n que j’ai vues dans mes 38 ans de carrière. »

M. Prud’homme reste discret sur le départ de son ancien bras droit, se limitant à dire qu’il voulait « donner plus de responsabi­lités à plus de gens » autour de lui.

ÇA BOURDONNE À L’ENTREPÔT

Au centre de distributi­on adjacent au siège social, on a embauché 90 personnes au cours des derniers mois, de sorte que l’effectif atteint maintenant plus de 380 personnes.

Parmi eux : Maxime Boisvert, qui travaille dans l’immense entrepôt depuis le mois de juillet. « J’aime vraiment ça, je suis mieux payé que chez Weston, où je travaillai­s avant », dit-il au Journal.

« Les relations entre le syndicat et la partie patronale sont bonnes », reconnaît Stéphane Lacroix du syndicat des Teamsters.

Les volumes de marchandis­es traitées à Bouchervil­le ont augmenté parce qu’on y a rapatrié les activités d’un entrepôt qui a été fermé à Winnipeg, mais aussi parce que les ventes et le nombre de magasins ont crû.

EXPÉRIENCE INTERNATIO­NALE

Si Lowe’s investit si massivemen­t au Canada, c’est pour gagner une expérience internatio­nale qui pourrait lui servir à entrer dans d’autres pays.

Depuis décembre, Sylvain Prud’homme est d’ailleurs responsabl­e de l’ensemble des activités internatio­nales de l’entreprise, qui se limitent pour l’instant au Canada et au Mexique.

Le dirigeant fait remarquer que les investisse­ments actuelleme­nt en cours dans le réseau canadien de Lowe’s sont moins coûteux à réaliser puisque l’entreprise peut emprunter à de meilleurs taux que RONA pouvait le faire vu sa taille plus imposante.

« Il y avait des RONA qui n’avaient pas vu la couleur d’une couche de peinture depuis 20 ou 25 ans », raconte-t-il.

Jusqu’ici, la stratégie a été payante pour Lowe’s.

« Si RONA a pu avoir la meilleure croissance des 13 dernières années, c’est que le consommate­ur apprécie l’offre qu’on lui fait », soutient M. Prud’homme.

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PHOTO MARTIN ALARIE Le président de Lowe’s Canada, Sylvain Prud’homme, dans l’entrepôt de l’entreprise à Bouchervil­le, où l’espace se fait de plus en plus rare.

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