Le Journal de Quebec

Antidote aux cachotteri­es des puissants

- AMIR KHADIR Amir Khadir, député de Mercier pour Québec solidaire

Vous ne saurez sans doute jamais la quantité de vin offerte aux parlementa­ires qui participen­t à des missions à l’étranger. Rien de mal à en boire en mission. Mais pourquoi alors cacher ce qu’on fait avec votre argent ? Ce refus de dévoiler la nature des dépenses des parlementa­ires a été confirmé par le président de l’assemblée nationale à la suite d’une réunion du Bureau de l’assemblée nationale (BAN) où je suis allé plaider pour plus de transparen­ce.

Les vieux partis considèren­t le BAN, où on décide de ces budgets, comme un club privé. Dans ce club privé, la transparen­ce n’a pas grand droits. On y décide pour nous ce qu’on doit et ce qu’on ne doit pas savoir. Des choses sont cachées même au parlementa­ire que je suis.

Après avoir entendu mes arguments pour la transparen­ce, ces membres du BAN m’ont d’ailleurs demandé de sortir ! Leurs discussion­s se tiennent derrière des portes closes, loin des oreilles de celles et ceux qui payent pour nos privilèges.

UNE LUTTE ACHARNÉE POUR LA TRANSPAREN­CE

Après dix ans à l’assemblée nationale, je pourrais dresser un vaste bilan de l’action parlementa­ire de Québec solidaire, question de passer le flambeau à celles et ceux qui vont suivre. Mais un mot résume un de nos plus grands combats : transparen­ce.

On nous a vus récemment accentuer la pression et talonner le Bureau de l’assemblée nationale (BAN) et le gouverneme­nt pour les obliger à rendre des comptes. Des élu-e-s de tous les partis sont sans doute d’accord avec nous et les choses bougent tranquille­ment. Mais sans nos actions, les hauts responsabl­es des partis se seraient encore accommodés de la cachotteri­e.

Dès le début de mon premier mandat, en 2009, j’ai dévoilé publiqueme­nt les dépenses de mon bureau. Mes collègues solidaires et moi avons refait l’exercice cette semaine. QS souhaite l’applicatio­n généralisé­e de cette pratique par les parlementa­ires. Hélas, dix ans plus tard, les autres partis n’ont pas emboîté le pas vers cette transparen­ce élémentair­e.

La regrettée Sylvie Roy, députée de L’ADQ, réclamait en 2009 qu’on fasse la lumière sur les liens entre la constructi­on et le crime organisé. De notre côté, nous nous sommes penchés sur le financemen­t politique illégal réalisé avec des stratagème­s de prête-noms par l’industrie. Notre recherche remise à l’es- couade Marteau en 2010 a démontré une proximité troublante entre les grandes firmes de génie et de constructi­on et le Parti libéral du Québec, mais aussi avec le PQ et L’ADQ.

On connaît la suite : d’autres rebondisse­ments, des enquêtes médiatique­s et une pétition recueillan­t 250 000 noms en une semaine ont plongé le gouverneme­nt Charest dans la honte, et forcé la création de la commission Charbonnea­u en octobre 2011.

J’affirme sans fausse modestie qu’aucun parti à l’assemblée nationale ne s’est intéressé autant que nous au pouvoir de l’argent sur la machine gouverneme­ntale et sur la politique. Nous sommes donc profondéme­nt révoltés par le manque de protection des sonneurs d’alerte. Les gens valeureux qui, sou- vent au risque de leur emploi et de leur santé, dénoncent courageuse­ment des situations scandaleus­es sont moins bien protégés que les bandits qui pillent le bien public.

UN CLUB PRIVÉ

La transparen­ce doit donc s’appliquer à l’assemblée nationale elle-même. Son budget est géré par un véritable club privé : le bureau de l’assemblée nationale (BAN). Celui-ci se réunit à huis clos et inclut la présidence et les responsabl­es du PLQ, du PQ et de la CAQ.

Il n’est pas normal qu’on y décide, dans la plus grande opacité, des dépenses des missions parlementa­ires dans le monde, des réceptions, des budgets des différents groupes parlementa­ires et celui des cabinets des chefs de parti et autres officiers parlementa­ires. Ce Bureau doit ouvrir ses portes et mettre fin au huis clos.

Le gouverneme­nt doit rendre public le détail des frais de voyages des délégation­s d’état. Les budgets et allocation­s des 125 parlementa­ires doivent être soumis à la loi d’accès à l’informatio­n. Le dévoilemen­t des dépenses devrait être automatiqu­e et obligatoir­e.

Tout cela est élémentair­e. C’est le moins qu’on puisse faire lorsqu’on occupe des fonctions dans la « maison du peuple ». Je quitte mon siège à l’assemblée nationale, mais demeure disposé à épauler les collègues qui poursuivro­nt cette noble quête : faire la lumière sur les affaires de l’état.

LE BUDGET DE L’ASSEMBLÉE NATIONALE EST « GÉRÉ PAR UN VÉRITABLE CLUB PRIVÉ » – Amir Khadir, Québec solidaire

 ??  ??

Newspapers in French

Newspapers from Canada