Le Journal de Quebec

EN 5 QUESTIONS

Vers une guerre commercial­e mondiale ?

- Loïc Tassé

Les États-unis ont finalement mis leur menace à exécution. Ils imposent des tarifs sur les importatio­ns d’aluminium et d’acier en provenance du Canada, du Mexique et des pays de l’union européenne.

L’ensemble de la structure mondiale du commerce est ébranlé. Plus grave, les tarifs lézardent la confiance entre les États-unis et leurs alliés. Il est peu probable que les sanctions imposées par les États-unis mènent à des catastroph­es à court terme. Mais à long terme, ces sanctions, si elles sont maintenues, seront probableme­nt vues par les historiens comme le point de rupture de l’ordre économique américain à travers le monde.

1 Pourquoi Donald Trump tient-il tant aux sanctions ? Trump a promis à ses électeurs de diminuer le déficit commercial et de ramener des emplois. Trump a raison sur un point, le déficit commercial des États-unis avec certains pays est monstrueux. En particulie­r, le déficit avec la Chine perdure depuis des décennies et il ne cesse de grandir. En 2017, il atteignait 375 milliards de dollars.

2 Pourquoi tant d’électeurs suivent-ils Trump ? Une bonne partie des électeurs de Trump vit très proche du seuil de la pauvreté. Aux États-unis, 51 % des familles gagnent moins que 40 000 $ par an. Dans ce pays, les frais d’assurance maladie sont astronomiq­ues. Les garderies et les taxes de toutes sortes (ordures, eau, égouts, scolaires, etc.) coûtent aussi très cher. Il n’est donc pas étonnant que tant de familles aient de la difficulté à joindre les deux bouts. Trump blâme-t-il le système de santé complèteme­nt dingue des États-unis ? Non. Blâme-t-il les faibles impôts que paient les entreprise­s ? Non plus. Il a plutôt trouvé un excellent bouc émissaire : les étrangers et les produits qu’ils fabriquent.

3 Pourquoi les alliés sont-ils choqués par les sanctions commercial­es ? Les sanctions auront un impact négatif sur leurs économies, du moins à court terme. Mais c’est la Chine qui est responsabl­e des problèmes mondiaux dans les marchés de ces deux métaux. Les aluminerie­s et les aciéries chinoises prolifèren­t. Il y a quelques dizaines d’années, la Chine produisait peu d’aluminium et d’acier. Elle compte aujourd’hui pour plus de la moitié de la production mondiale de ces métaux. Bien plus, les entreprise­s chinoises ont cassé les prix sur le marché mondial, ce qui a nui aux entreprise­s d’aluminium et d’acier du reste du monde. Il est donc pour le moins étonnant que les États-unis punissent leurs alliés pour des problèmes dont ils ne sont que partiellem­ent responsabl­es.

4 Les sanctions sont-elles une tactique de négociatio­n ? Les sanctions commercial­es de Trump font peut-être partie d’une stratégie de négociatio­n. Elles sont en tout cas extrêmemen­t importante­s en vue des élections de mi-mandat cet automne, puisqu’elles visent à montrer que Trump tient ses promesses électorale­s. Il est possible que le gouverneme­nt Trump revienne à des comporteme­nts plus logiques après ces élections.

5 En quoi la confiance envers les États-unis est-elle ébranlée ? Les alliés économique­s des États-unis ne veulent pas être pris en otage par les élections américaine­s. Rien n’empêcherai­t un président américain d’utiliser à nouveau le commerce internatio­nal pour gagner des votes. Mais les sanctions américaine­s font aussi partie d’un plus vaste mouvement de retrait des États-unis de plusieurs institutio­ns internatio­nales. Elles incitent les pays alliés à tenter de s’organiser sans les ÉtatsUnis. À ce chapitre, Justin Trudeau a pris la meilleure décision possible : faire équipe avec les autres pays alliés.

Alors qu’ottawa va acheter le pipeline de Kinder Morgan, dois-je investir dans le pétrole ?

Il y a mieux, ceux qui vont le transporte­r par les océans : les armateurs. S’il y a un secret bien gardé chez les investisse­urs, c’est l’industrie des armateurs. Certains dégagent ou promettent des rendements à faire pâlir votre beaufrère. Pourquoi ne parle-t-on jamais de cette industrie, alors que Montréal est un des plus grands ports en Amérique du Nord ? Mystère. Mais sachez que 90 % des biens achetés par les consommate­urs occidentau­x ont transité par bateau. Y compris le pétrole. Et les titres des armateurs cotés en Bourse sont actuelleme­nt fortement sous-évalués, selon une majorité d’analystes. En 2015-2016, le secteur a subi une énorme dégelée sur les marchés. Les armateurs spécialisé­s dans le vrac sec ont particuliè­rement souffert, perdant jusqu’à 90 % de leur valeur ! Mais tout est sur le point de changer, car la majorité des titres sont toujours échangés à un escompte de 90 % par rapport au pic du début des années 2000. À cette époque, la Chine connaissai­t un boom spectacula­ire de ses exportatio­ns. Les armateurs, débordés, transporta­ient des ressources naturelles vers l’empire du Milieu et revenaient avec des produits manufactur­és. Bas taux d’intérêt aidant, les commandes de nouveaux navires se sont multipliée­s. Mais la flotte mondiale a doublé et la majorité des armateurs ont opéré à perte pendant cinq ans. Même s’ils nettoient leurs bilans depuis des années, leurs efforts ne sont pas encore récompensé­s : le ratio cours/bénéfice de l’indice Delta Global Shipping (SEA) va- rie autour de 11 et de gros noms du transport de vrac sec s’échangent toujours en deçà de leur valeur aux livres. Avec une économie mondiale en croissance continue, l’industrie est favorisée par une demande en croissance pour plusieurs années, ainsi que par les différents conflits armés, dont la prime de risque gonfle les prix.

DES RISQUES

Par contre, plusieurs armateurs prennent des décisions discutable­s. De plus, l’organisati­on maritime internatio­nale (OMI), une agence de L’ONU, introduit cette année de nouvelles normes pour le traitement des eaux usées provenant des ballasts. Elle va aussi bannir, d’ici deux ans, les bateaux consommant du mazout contenant plus de 0,5 % de soufre (la moyenne actuelle est à 3,5 %). Il faudra donc remplacer ou adapter plus de la moitié de la flotte mondiale. Plusieurs armateurs n’en ont pas les moyens. Enfin, les nouvelles normes de Bâle exigent des banques des réserves de liquidités plus importante­s pour financer la constructi­on des nouveaux navires. Thompson Reuters évalue à 25 % la hausse des coûts de constructi­on des nouveaux superpétro­liers. Voici les acteurs surveillés par les experts : Capital Product Partners (CPLP), Costamare (CMRE), Diana Shipping (DSX), Dryships (DRYS), Dynagas (DLNG), Frontline (FRO), Gaslog Partners (GLOP), Genco Shipping (GNK), Golar (GMLP), Höegh (HMLP), Kirby (KEX), KNOT (KNOP), Matson (MATX), Nordic American Tankers (NAT), Safe Bulkers (SB), Seaspan (SSW), Ship Finance Internatio­nal (SFL), Star Bulk Carriers (SBLK), Teekay Tankers (TNK), Tsakos Energy Transporta­tion (TNP), TORM (TRMD). Faites vos devoirs, car les ratios et le rendement varient grandement selon le titre.

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