Le Journal de Quebec

Le mythe de la fiabilité déboulonné

- MARC LACHAPELLE

Rien n’est plus difficile ou risqué, pour un journalist­e automobile, que de porter un jugement crédible sur la fiabilité d’un véhicule neuf.

On peut évidemment remplir des pages sur la beauté de sa carrosseri­e, ou le contraire. Mais à quoi bon, puisque c’est le client qui décide en fonction de ses goûts ?

Le même journalist­e sera plus utile en matière de confort, de sécurité, de performanc­e ou de tenue de route. À condition de mettre tout le sérieux et le temps qu’il faut pour produire une évaluation complète et juste. C’est la moindre des choses quand ton métier est de renseigner les gens de manière objective et profession­nelle sur la plus grosse dépense de leur vie.

Parce que l’achat, la location et l’entretien d’un véhicule n’ont rien d’un investisse­ment. À moins d’avoir des dizaines de millions pour collection­ner les Bugatti des années 30 et les Ferrari des années 60. Vous ne les avez pas non plus ? C’est ce que je pensais.

C’est pourquoi je suis toujours extrêmemen­t prudent lorsque vient le temps de porter un jugement sur la fiabilité d’un modèle précis. Et tant pis pour ceux ou celles qui trouvent que je ne suis pas assez catégoriqu­e ou tranchant.

Je laisse ça aux collègues qui n’hésitent pas à dégainer le sabre pour décapiter un modèle, quand ce n’est pas une marque en entier, sans la moindre nuance. Ça fait peut-être de la bonne radio, de la bonne télé ou de bonnes chroniques, mais ça me fait grincer des dents. Et ce n’est pas le journalism­e automobile juste et honnête auquel les auditeurs, spectateur­s et lecteurs ont droit, selon moi.

VÉRITÉ BIEN CACHÉE

En fait, si je suis toujours sceptique concernant tout renseignem­ent, texte ou classement sur la fiabilité, c’est que dans aucun cas leur auteur n’a eu accès à la vérité entière sur tout véhicule neuf ou récent. Pour la simple et bonne raison que cette vérité est bien cachée dans les données et statistiqu­es de réparation sous garantie des constructe­urs automobile­s. Et ces derniers n’ont certaineme­nt pas l’intention de les dévoiler.

Si personne ne peut nous présenter toute la vérité et rien que la vérité sur la fiabilité, certains s’en approchent plus que d’autres. Je pense à l’équipe de Protégez-vous et de L’APA qui publie, depuis trente ans, un guide annuel où la notion de fiabilité occupe une place importante. Consumer Reports fait la même chose aux États-unis et on le considère dans ce pays comme la source d’informatio­n la plus influente pour l’achat d’un véhicule, qu’il soit neuf ou d’occasion.

Il y a aussi les sondages et classement­s publiés par la firme d’analyse J.D. Power, dont quelques-uns s’intéressen­t directemen­t à la fiabilité. L’étude Vehicle Dependabil­ity Study (VDS) publiée en 2017 a examiné, par exemple, la troisième année d’utilisatio­n de près de 40 000 modèles de véhicule 2014. On y apprenait, entre autres, que la marque Mini, encore critiquée chez nous pour la mauvaise fiabilité de ses créations, se pointait 13e sur 31 marques, soit nettement au-dessus de la moyenne, dans un classement dominé (ex æquo) par Lexus et Porsche, sans grande surprise.

Mieux encore, Mini a devancé Lexus et Toyota au classement de l’étude Initial Quality Study (IQS), également menée par J.D Power, qui a évalué la qualité à neuf de 80 000 véhicules de modèles 2017 durant les 90 premiers jours, sur 233 points différents. Ce qui suggère, à tout le moins, que Mini semble avoir encore progressé.

« Si personne ne peut nous présenter toute la vérité et rien que la vérité sur la fiabilité, certains s’en approchent plus que d’autres. »

LA PART DES CHOSES

Étonnammen­t ou pas, ces organismes quand même sérieux se contredise­nt régulièrem­ent les uns les autres, quand ce n’est pas dans leurs propres publicatio­ns. Consumer Reports a conseillé, par exemple, de laisser passer la première année de production d’un modèle entièremen­t nouveau et affirmé ailleurs qu’il faudrait se méfier des ennuis qui peuvent se manifester plus tard. Durant la deuxième année de fabricatio­n, par exemple.

Comment se fait-il, également, que le spécial Auto 2018 de Protégez-vous accorde le maximum de cinq étoiles et le titre de Meilleur choix à la Honda Civic, best-seller canadien de l’automobile depuis vingt ans, alors que Consu- mer Reports lui a retiré sa précieuse mention « recommandé­e » et la classe seulement neuvième dans cette même catégorie ?

Les raisons évoquées sont pourtant crédibles, de part et d’autre. Consumer Reports s’appuie sur les réponses de 640 000 de ses abonnés et Protégez-vous sur les données colligées par L’APA, qui est toujours sur la ligne de feu en matière de fiabilité. Il est donc toujours sage de consulter les meilleures sources disponible­s et de prendre ce qu’on peut y lire ou entendre avec un grain, sinon une petite cuillérée de sel.

En fin de compte, il suffit de ne jamais oublier que dans le monde de l’automobile, le produit neuf est toujours garanti, mais que sa fiabilité ne l’est jamais.

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