Le Journal de Quebec

LA RÉDEMPTION

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Il se fait écoeurer par les flics dans les restaurant­s. On lui demande de payer et d’évacuer. Quand on est itinérant, on ressemble à un itinérant.

Et puis, il décroche une jobine dans un gym. Quand il en a la chance, il cogne sur le gros sac de sable. On lui confie l’entraîneme­nt de plusieurs clients. Le hasard fait que ce sont des policiers. Ils lui font confiance, ne le jugent pas. Comme par miracle, on cesse de le harceler dans la rue.

Il se lève maintenant à cinq heures et va s’entraîner. Puis, il fait sa journée dans la constructi­on à 16 $ de l’heure. Après les déductions, il lui reste 13 $. Un promoteur local le voit à l’entraîneme­nt et lui offre un combat. Dans la rue, pas une cenne, soit tu retournes dans la merde, dans la drogue et le crime, soit t’acceptes le combat.

Il aime le feeling et se dit qu’il avait raison, enfant, de vouloir devenir boxeur. Il ne le dit pas, mais il pourrait. Le football, c’était l’idée de son père.

Il entre en contact avec Melanie Lubovac, la promotrice d’edmonton. Elle lui trouve un combat, mais il ne se sent pas prêt. Retourner à Edmonton, la ville de sa gloire et de sa descente aux enfers. Pas tout de suite.

Après quelques mois, c’est le retour au Shaw Convention.

« Le premier soir, j’ai été accueilli avec des huées. J’ai knocké mon adversaire et après le combat, j’ai reçu quelques applaudiss­ements. Le combat suivant, j’ai eu droit à des applaudiss­ements et des huées. Après le knock-out, au troisième affronteme­nt, je n’ai eu que des applaudiss­ements. J’étais enfin fier de quelque chose, fier de ce que je faisais », dit-il.

Depuis, il a parcouru un long chemin. Il enseigne dans un chic gym de Victoria, il partage un petit appartemen­t avec un coloc, il a recommencé à lire, il cite Nietzsche, il parle d’odin, le dieu des Vikings, de la religion des grands conquérant­s nordiques, il parle de son père, de sa mère, il parle de nutrition, d’eau pure, de la mer, du calme… et de cet enfant enfoui en lui qu’il ne veut pas regarder en face.

« Pas tout de suite. Je ne suis plus cet enfant désormais… mais je ne veux pas perdre mon âme de guerrier. Se battre est facile, c’est la vie qui est difficile. »

Il m’a montré la plage de Qualicum, on a pris le ferry pour aller visiter ses parents, on a partagé bouffe et eau fraîche… – Et si Simon gagnait le combat ? « S’il est meilleur, s’il gagne, alors je vais reprendre l’entraîneme­nt encore plus fort et l’année d’après, je vais aller le battre… »

Mais pour tout le reste, Adam Braidwood veut vivre. Vivre conscient. Pleinement.

De toute façon, il a déjà été mort…

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