Le Journal de Quebec

L’arrestatio­n d’influents libéraux reportée trois fois

Des enquêteurs de L’UPAC se plaignent du manque de collaborat­ion du DPCP dans une grosse enquête pour fraude

- JEAN-LOUIS FORTIN, ALEXANDRE ROBILLARD ET FÉLIX SÉGUIN

Les policiers qui enquêtent sur trois collecteur­s de fonds libéraux soupçonnés d’avoir touché des commission­s secrètes lors de transactio­ns immobilièr­es se plaignent ouvertemen­t du manque de collaborat­ion de la justice. Ils ont dû reporter au moins trois fois en deux ans la date prévue pour les arrêter, a appris notre Bureau d’enquête.

Les organisate­urs libéraux William Bartlett, Franco Fava et Charles Rondeau, de même que l’ex-patron de la défunte Société immobilièr­e du Québec (SIQ) Marc-andré Fortier font partie des suspects de l’enquête de l’unité permanente anticorrup­tion (UPAC) nommée « Justesse ».

Selon la police, ils auraient entre autres reçu plus de 2 millions $ via des comptes bancaires aux Bahamas et en Autriche, après que la SIQ eut renouvelé des baux gouverneme­ntaux à long terme dans des immeubles de Québec et Montréal au milieu des années 2000.

C’est Radio-canada qui a révélé la teneur du projet d’enquête Justesse il y a un an et demi, en novembre 2016. Ses reporters parlaient à l’époque de « la plus importante fraude dans une société d’état au Québec et peut-être même au pays ».

Ils indiquaien­t alors que « l’essentiel de l’enquête » policière était terminé et que le dossier était « à l’étude » par le Directeur des poursuites criminelle­s et pénales (DPCP), chargé de déposer les accusation­s.

ON SE LANCE LA BALLE

Aucune arrestatio­n n’a eu lieu dans l’année et demie suivante. Des sources rencontrée­s par notre Bureau d’enquête permettent de comprendre qu’en coulisses, des enquêteurs souhaitent avoir un meilleur appui de la part du DPCP. On se lance la balle, on attend de l’aide qui ne vient pas ( voir exemples ci-contre). Avec, pour conséquenc­es, les reports suivants :

En novembre 2015, L’UPAC prévoyait faire des arrestatio­ns à la fin avril 2016, selon des documents consultés. Les accusation­s envisagées étaient pour fraude, fraude envers le gouverneme­nt, abus de confiance, corruption, complot pour fraude, recyclage des produits de la criminalit­é. Finalement, rien ne s’est produit.

Une seconde fenêtre d’arrestatio­ns a alors été prévue pour les 25 et 27 octobre 2016. Pas moins de 11 personnes étaient visées. L’opération ne s’est jamais déroulée. D’après nos informatio­ns, L’UPAC déplorait à ce moment le manque de disponibil­ité des procureurs de la Couronne.

Finalement, L’UPAC s’est donné comme objectif d’effectuer des arrestatio­ns à la fin avril ou au début mai 2018. À ce jour, elle n’est pas passée à l’acte.

« Ce sont (le DPCP) les grands responsabl­es des reports de l’opération Justesse. On se demande pourquoi les suspects ne sont pas arrêtés, ça ne débloque pas », résume une personne qui travaille à L’UPAC et qui a requis l’anonymat par crainte de perdre son emploi.

« ÇA NE TIENT PAS LA ROUTE »

Anne-frédérick Laurence, porte-parole de L’UPAC, a réfuté la thèse selon laquelle le DPCP ralentirai­t l’enquête. « C’est faux, ça ne tient pas la route », a-t-elle dit. De son côté, Me Jean-pascal Boucher, porte-parole du DPCP, a affirmé que le dossier Justesse n’était actuelleme­nt « pas à l’étude au DPCP, mais plutôt sous enquête, selon l’informatio­n transmise par L’UPAC ».

En avril dernier, en commission parlementa­ire, le patron de L’UPAC, Robert Lafrenière, a indiqué que « l’enquête n’est pas terminée dans ce dossier-là », qu’il a qualifié d’« extrêmemen­t complexe ».

Sans faire référence à un dossier en particulie­r, il a affirmé qu’il n’excluait pas que son organisati­on effectue des arrestatio­ns pendant la campagne électorale de l’automne prochain.

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Parmi les immeubles qui auraient fait l’objet de transactio­ns douteuses, selon L’UPAC, on retrouve notamment le 800, rue D’youville à Québec et le 500, boulevard René-lévesque Ouest à Montréal

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