L’épouvantail de l’« instabilité »
Traversons-nous une « grande période d’instabilité », comme l’a martelé Philippe Couillard samedi, au Conseil général libéral à Montréal ?
D’accord, les perspectives économiques sont légèrement assombries actuellement.
Notamment par les gestes de protectionnisme du président américain Donald Trump, sur l’acier et l’aluminium, même envers ses alliés du Canada et de l’union européenne.
De plus, nous approchons sans doute de la fin d’un très long cycle de croissance.
INTÉRÊT ÉLECTORAL
Le premier ministre, il faut en avoir conscience, a un intérêt électoral à faire peur aux Québécois avec ses perspectives économiques.
Voire à exagérer la situation, à brandir des épouvantails, afin de mieux miner l’argument du « changement » utilisé par son adversaire caquiste en tête des sondages.
En 2018, les Québécois devraient, insiste M. Couillard, conserver son « gouvernement qui a fait ses preuves et en qui nous avons confiance pour gérer cette grande instabilité ». Un gouvernement qui a « les mains sur le volant », selon les mots mêmes du président de la campagne libérale Alexandre Taillefer, qui – comme je le prédisais samedi – a repris sans vergogne la vieille formule du Jean Charest minoritaire de 2008.
Alors qu’ils promettent le « changement » depuis des mois, et même du « vrai changement » (le nom du parti de Mélanie Joly au municipal !), les libéraux se présentent soudain en garant de la continuité réconfortante face à la tempête à venir.
Le premier ministre a un intérêt électoral à effrayer les Québécois avec des perspectives économiques noircies.
ON EST LOIN DE 2008
D’une part, il faudrait peut-être que les libéraux choisissent : sont-ils l’équipe du changement, de la « transformation du Québec », du « nouveau Québec » et du « Québec nouveau »... ou alors de la continuité ?
Pour l’instant, ils semblent vouloir jouer sur les deux tableaux, promettre des idées contraires. Ils risquent ainsi de confondre bien des électeurs.
D’autre part, on est bien loin de 2008, économiquement. Il y a 10 ans, l’instabilité était vraiment grande. Le 15 septembre précédant le scrutin québécois du 8 décembre 2008, par exemple, la banque d’investissement Lehman Brothers (fondée en 1850), aux États-unis, déclarait carrément faillite.
La crise financière liée à l’effondrement du marché immobilier américain et du papier commercial adossé à des actifs, s’annonçait la pire depuis les années 1929.
Or, aujourd’hui, dans le budget du ministre Carlos Leitao 2018-19, on peut lire par exemple que « le contexte économique est favorable dans la plupart des pays et régions du monde »… « la croissance devrait bénéficier notamment d’une progression robuste aux États-unis ». Certes, certains facteurs nuanceront cette croissance. Mais en marge du Conseil général, M. Leitao a soutenu que malgré les quelques nuages noirs dans le ciel économique, il n’y a pas lieu de changer ses prévisions.
Instabilité, peut-être. Mais « grande » ? Terrifiante ? Justifiant de conserver au pouvoir le parti qui y est depuis presque 15 ans ?