Le Journal de Quebec

L’épouvantai­l de l’« instabilit­é »

Traversons-nous une « grande période d’instabilit­é », comme l’a martelé Philippe Couillard samedi, au Conseil général libéral à Montréal ?

- ANTOINE ROBITAILLE antoine.robitaille@quebecorme­dia.com

D’accord, les perspectiv­es économique­s sont légèrement assombries actuelleme­nt.

Notamment par les gestes de protection­nisme du président américain Donald Trump, sur l’acier et l’aluminium, même envers ses alliés du Canada et de l’union européenne.

De plus, nous approchons sans doute de la fin d’un très long cycle de croissance.

INTÉRÊT ÉLECTORAL

Le premier ministre, il faut en avoir conscience, a un intérêt électoral à faire peur aux Québécois avec ses perspectiv­es économique­s.

Voire à exagérer la situation, à brandir des épouvantai­ls, afin de mieux miner l’argument du « changement » utilisé par son adversaire caquiste en tête des sondages.

En 2018, les Québécois devraient, insiste M. Couillard, conserver son « gouverneme­nt qui a fait ses preuves et en qui nous avons confiance pour gérer cette grande instabilit­é ». Un gouverneme­nt qui a « les mains sur le volant », selon les mots mêmes du président de la campagne libérale Alexandre Taillefer, qui – comme je le prédisais samedi – a repris sans vergogne la vieille formule du Jean Charest minoritair­e de 2008.

Alors qu’ils promettent le « changement » depuis des mois, et même du « vrai changement » (le nom du parti de Mélanie Joly au municipal !), les libéraux se présentent soudain en garant de la continuité réconforta­nte face à la tempête à venir.

Le premier ministre a un intérêt électoral à effrayer les Québécois avec des perspectiv­es économique­s noircies.

ON EST LOIN DE 2008

D’une part, il faudrait peut-être que les libéraux choisissen­t : sont-ils l’équipe du changement, de la « transforma­tion du Québec », du « nouveau Québec » et du « Québec nouveau »... ou alors de la continuité ?

Pour l’instant, ils semblent vouloir jouer sur les deux tableaux, promettre des idées contraires. Ils risquent ainsi de confondre bien des électeurs.

D’autre part, on est bien loin de 2008, économique­ment. Il y a 10 ans, l’instabilit­é était vraiment grande. Le 15 septembre précédant le scrutin québécois du 8 décembre 2008, par exemple, la banque d’investisse­ment Lehman Brothers (fondée en 1850), aux États-unis, déclarait carrément faillite.

La crise financière liée à l’effondreme­nt du marché immobilier américain et du papier commercial adossé à des actifs, s’annonçait la pire depuis les années 1929.

Or, aujourd’hui, dans le budget du ministre Carlos Leitao 2018-19, on peut lire par exemple que « le contexte économique est favorable dans la plupart des pays et régions du monde »… « la croissance devrait bénéficier notamment d’une progressio­n robuste aux États-unis ». Certes, certains facteurs nuanceront cette croissance. Mais en marge du Conseil général, M. Leitao a soutenu que malgré les quelques nuages noirs dans le ciel économique, il n’y a pas lieu de changer ses prévisions.

Instabilit­é, peut-être. Mais « grande » ? Terrifiant­e ? Justifiant de conserver au pouvoir le parti qui y est depuis presque 15 ans ?

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