Le Journal de Quebec

PILOTES ET ATHLÈTES

La F1 d’aujourd’hui exige une condition physique digne d’un marathonie­n

- LOUIS BUTCHER

Cette période où des pilotes plutôt bedonnants et à la forme physique douteuse réussissai­ent à courir en Formule 1 est depuis longtemps révolue.

Vous n’en verrez pas, comme un certain James Hunt à l’époque, griller une cigarette avant un départ ou participer à une fête bien arrosée la veille d’une épreuve. Car contrairem­ent à la croyance populaire, les pilotes sont de véritables athlètes. Les monoplaces d’aujourd’hui – et particuliè­rement depuis deux ans alors que leur performanc­e a été revue à la hausse – exigent une forme physique exceptionn­elle et une rigueur de tous les instants qui ne permet pratiqueme­nt aucun excès.

Vous n’avez qu’à voir les pilotes d’aujourd’hui et leur physionomi­e digne d’un marathonie­n. Rien de moins.

« Sans exagérer, il faut reconnaîtr­e que ce sont de véritables athlètes affirme David Whiteman, physiothér­apeute et entraîneur personnel de Lance Stroll. Pour faire de la F1, tu dois avoir un système cardiovasc­ulaire très fort et des muscles développés, notamment au niveau du cou et du dos pour encaisser les forces G exceptionn­ellement élevées à bord de la voiture. »

DÈS SON APPRENTISS­AGE EN KARTING

Né à Laval, ce diplômé de l’université Mcgill en physiothér­apie suit le jeune pilote québécois dans tous ses déplacemen­ts à travers le monde.

« J’ai été recommandé à la famille Stroll il y a une dizaine d’années, a-t-il relaté, en entrevue au Journal à Barcelone en février dernier. D’abord pour m’occuper de Lawrence (le père de Lance) et de son épouse quand on habitait tous dans la région de Montréal.

« Lance, lui, est arrivé dans le portrait quelques années plus tard, quand il a commencé à faire de la compétitio­n en karting.

« À cette époque, je lui faisais des suggestion­s pour améliorer sa condition physique et surtout sa force musculaire, poursuit-il. Mais à 10 ou 11 ans, il ne fallait pas brûler les étapes. »

Quand Stroll a été recruté par l’académie Ferrari, cette structure très sélecte destinée à former de jeunes espoirs de la course automobile, la situation a nettement évolué.

« Son père m’a alors demandé d’être plus présent à ses côtés pour lui implanter un programme intensif, renchérit Whiteman. »

Whiteman a déménagé en Suisse pour accompagne­r Stroll à temps plein quand son client a eu 15 ans. Il ne l’a plus quitté depuis son parcours où il a fait ses classes en F4 et F3 avant d’accéder à la F1 en 2017.

Le physiothér­apeute de 46 ans n’est pas employé par l’écurie Williams. Normalemen­t, l’équipe n’a rien à voir avec le choix d’un entraîneur personnel.

DÉCALAGE HORAIRE

Le calendrier éreintant, qui comporte 21 escales en 2018, est une autre raison qui exige beaucoup de rigueur de la part d’un pilote.

Stroll a beau avoir le luxe de se déplacer à bord d’un avion privé, ce qui lui assure d’éviter les temps d’attente dans les aéroports et les longues files pour franchir les dispositif­s de sécurité, il doit s’acclimater aux décalages horaires.

« Avion privé ou pas, il doit supporter comme tout le monde les changement­s d’heures, fait valoir Whiteman. Une semaine vous êtes à Londres, la semaine suivante à Melbourne et quelques jours plus tard en Amérique. C’est très exigeant. »

Ce rythme de vie peu banal fait en sorte que, pendant la semaine d’un Grand Prix, le pilote est exempté de tout entraîneme­nt rigoureux. Trois jours sur la piste sont déjà très exigeants.

MENU PEU DIVERSIFIÉ

La nourriture est aussi très contrôlée, surtout au cours des jours précédant la tenue d’une course. Vous ne verrez donc pas Stroll déguster une poutine cette semaine à Montréal, même si la tentation est forte.

« Je suis en constante communicat­ion avec une nutritionn­iste, dit Whiteman. Elle me fait des recommanda­tions que je transmets à Lance. Son menu pendant une semaine varie à peine. »

Le déjeuner est essentiell­ement constitué de gruau, de fruits et parfois d’oeufs. Pour le lunch et le souper, le poisson, accompagné de riz brun, est un plat approprié. On lui suggère aussi des pâtes apprêtées simplement avec une sauce aux tomates ou du poulet grillé.

« C’est simple, mais efficace, affirme Whiteman. Pendant une pause de deux semaines, il peut arriver à Lance de manger quelque chose qui n’est pas recommandé. Mais pas trop souvent. »

On l’a bien vu savourer un fudge glacé après le Grand Prix d’australie l’an dernier.

« Il est humain, fait remarquer son entraîneur. Après une course où il a dépensé beaucoup de calories, il peut se le permettre. »

TAPIS ROULANT ET HALTÈRES

C’est pendant la saison morte que les pilotes s’entraînent avec beaucoup de rigueur.

« Le programme est intensif pour être en forme quand s’amorcent les essais privés puis à l’approche de la première course », explique Whiteman.

À l’intérieur, c’est le tapis roulant et les haltères. À l’extérieur, du vélo, beaucoup de vélo, et évidemment de la course à pied.

Stroll, révèle Whiteman, excelle dans tous les sports. Ski alpin, tennis, hockey, wakeboard et autres. C’est un athlète naturel.

Mais, contrairem­ent à la plupart des autres sports, la condition physique n’est pas l’unique gage de succès en course automobile. Les pilotes ont beau être des athlètes de haut niveau, ils n’ont pas tous ce privilège de se retrouver derrière le volant d’une Mercedes, d’une Ferrari ou d’une Red Bull.

 ?? PHOTO COURTOISIE DAVID WHITEMAN ?? Comme tout pilote de F1, Lance Stroll est soumis à un entraîneme­nt rigoureux sous la supervisio­n de son entraîneur David Whiteman.
PHOTO COURTOISIE DAVID WHITEMAN Comme tout pilote de F1, Lance Stroll est soumis à un entraîneme­nt rigoureux sous la supervisio­n de son entraîneur David Whiteman.

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