Lapresse demeurera fédéraliste
André Desmarais, le patron de Power Corporation, a témoigné en commission parlementaire hier
Même indépendant, le quotidien La Presse conservera sa ligne éditoriale fédéraliste, prévoit son actuel propriétaire.
« Depuis 1970, après recension, invariablement à chacune des élections, à chacun des référendums, La Presse a pris la même position éditoriale en faveur de la formation politique représentée par la ministre [libérale], en faveur de l’option fédéraliste », a souligné hier le député péquiste Pascal Bérubé, en commission parlementaire sur le projet de loi qui permettra au quotidien de devenir un organisme à but non lucratif et de bénéficier ainsi de dons et de subventions.
Malgré ce changement de statut, le président de Power Corporation, André Desmarais, a dit s’attendre à ce que la mission de La Presse demeure sensiblement la même. « Est-ce qu’elle sera fédéraliste ? La réponse, probablement, c’est oui. Je serais surpris que La Presse change sa façon aussi considérablement sur sa mission », a-t-il déclaré.
Et cette ligne éditoriale, a-t-il précisé, « ne supporte pas un parti séparatiste qui veut séparer le Québec du Canada ».
QUESTION DE SURVIE
Toutefois, André Desmarais assure que le futur OBNL sera indépendant, en dépit des sommes que Power Corporation versera pour se départir de La Presse. « Je peux vous répondre que notre 50 millions $ n’a pas d’attache », a-t-il dit.
L’éditeur actuel de La Presse, Guy Crevier, a également rappelé que la famille Desmarais était intervenue « avec parcimonie » lors des référendums et des élections. « Maintenant, s’il n’y a plus personne qui intervient, il va falloir qu’on discute à l’interne de comment on va aborder ces questions-là, en toute indépendance », dit-il.
Même s’il admet avoir un « pincement au coeur » à l’idée de se départir du quotidien montréalais, André Desmarais estime que « La Presse, telle quelle, aurait beaucoup de difficulté à survivre » sans un changement de statut.
« AFFRONT MAJEUR À LA DÉMOCRATIE »
Pour le moment, seule la députée indépendante Martine Ouellet affirme qu’elle pourrait s’opposer à l’adoption du projet de loi privé, qui doit être adopté à l’unanimité. « Je pense que ce serait un affront majeur à la démocratie. Parce que La Presse joue un rôle important dans la démocratie », a commenté Guy Crevier.
« Il y a près de 1200 retraités de La Presse, qui, aujourd’hui, ont un déficit de solvabilité, a-t-il ajouté. Si La Presse venait dans le temps à faire faillite, ces gens-là verraient leurs prestations réduites. »
Malgré les propos de l’éditeur, Martine Ouellet ne se dit toujours pas convaincue d’appuyer le projet de loi. « C’est-tu lui qui dicte la démocratie ? », a lancé la députée indépendante.
La Presse peut toutefois compter sur l’appui du gouvernement Couillard et de la CAQ.
« Il n’appartient pas aux parlementaires de s’immiscer dans un média, ni dans son contenu, ni dans sa structure », a déclaré la ministre de la Culture, Marie Montpetit.
Une loi privée adoptée en 1967 prévoit que La Presse doit obtenir l’approbation des élus de l’assemblée nationale pour changer de propriétaire. La pièce législative visait notamment à s’assurer que le quotidien demeure propriété québécoise. Le projet de loi privé présentement à l’étude doit être adopté à l’unanimité avant la fin de la session parlementaire, la semaine prochaine. Sinon, le processus devra être repris l’automne prochain.