Le Journal de Quebec

Menaces sur la démocratie

- JOSEPH FACAL joseph.facal@quebecorme­dia.com

J’avais 28 ans quand, le 8 novembre 1989, le Mur de Berlin est tombé.

Deux ans plus tard, le 26 décembre 1991, ce fut la dissolutio­n officielle de L’URSS.

Nous pensions que la démocratie allait s’imposer partout.

Certains régimes autoritair­es dureraient encore, mais tous seraient, éventuelle­ment, emportés par le vent de la liberté.

RECULS

Aujourd’hui, on voit plutôt se multiplier les « démocratur­es », c’est-à-dire les régimes qui ont des apparences de démocratie, mais aussi des traits propres aux dictatures : droit travesti, élections truquées, liberté d’expression muselée, etc.

Le leader y est souvent un narcissiqu­e autour duquel se déploie un culte de la personnali­té. Le mot « démocratur­e » entrera d’ailleurs dans le Larousse de 2019.

Voyez Poutine en Russie, Erdogan en Turquie, Maduro au Venezuela, Duterte aux Philippine­s, Orban en Hongrie, Kaczynski en Pologne.

Voyez ce qui arrive en Biélorussi­e, au Kazakhstan, en Ouzbékista­n, en Slovaquie et ailleurs.

En Chine, le régime, loin de se libéralise­r, serre la vis et confie le pouvoir à vie à Xi Jinping.

En Afrique, 34 des 54 pays sont des « démocratur­es ». Au Moyen-orient, le « printemps arabe » a complèteme­nt échoué.

Les États-unis sont indiscutab­lement une démocratie, mais voyez l’autoritari­sme et le népotisme de Trump.

Il interdit l’accès à la Maison-blanche aux médias trop critiques, et sa famille utilise son pouvoir politique pour faire avancer ses intérêts commerciau­x.

Plus inquiétant encore, nos jeunes, qui détestent paradoxale­ment toute contrainte dans leur vie quotidienn­e, valorisent moins la démocratie que leurs aînés.

En octobre 2017, Pew Research révélait que 46 % des Américains de 18 à 29 ans préférerai­ent être gou-

Nous avons tort de croire que la démocratie est l’avenir radieux vers lequel nous cheminons inévitable­ment.

vernés par des « experts » plutôt que par des élus, comparativ­ement à 36 % chez les plus de 50 ans.

Les chercheurs Mounk et Foa ont trouvé que seulement 19 % des milléniaux américains sont d’accord avec l’énoncé : « un coup d’état militaire n’est pas légitime dans une démocratie ».

Un quart d’entre eux estime « que choisir des dirigeants au moyen d’élections libres n’est pas important », comparativ­ement à 14 % chez les baby-boomers.

On observe ce moindre attachemen­t à la démocratie chez les jeunes comparativ­ement à leurs aînés dans beaucoup d’autres sociétés occidental­es.

Voyez la montée fulgurante, sur les campus universita­ires, de la censure à l’encontre des discours que les jeunes désapprouv­ent.

Pouvez-vous les imaginer acceptant d’aller combattre pour sauver la démocratie, comme nos grands-pères en 1939-1945 ?

POURQUOI ?

Est-ce parce qu’il n’y a plus – hormis l’islamisme – de menaces existentie­lles, comme le furent jadis le communisme et le fascisme ?

Devient-on alors plus sévères envers nos propres sociétés et moins capables d’imaginer une vie privée de nos libertés démocratiq­ues ?

Nous avons tort de croire que la démocratie est l’avenir radieux vers lequel nous cheminons inévitable­ment.

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Mur de Berlin

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