Le Journal de Quebec

Les tricheurs de l’éducation

- MATHIEU BOCK-CÔTÉ Blogueur au Journal Sociologue, auteur et chroniqueu­r mathieu.bock-cote@quebecorme­dia.com @mbockcote

Le système d’éducation, au Québec, est soumis à l’empire des tricheurs du ministère. Qui se contente de regarder les statistiqu­es de la réussite scolaire se fait bluffer. Elles sont mensongère­s. Elles maquillent la réalité davantage qu’elles ne la dévoilent.

Ne nous étonnons pas : les statistiqu­es servent souvent à cela.

STATISTIQU­ES

Le Devoir nous le rappelait, hier, en rendant compte d’une enquête de la Fédération autonome des enseignant­s : 50 % des élèves du primaire et autour de 40 % des élèves du secondaire n’ont pas les connaissan­ces correspond­ant à leur niveau scolaire. En gros, d’une année à l’autre, on les fait passer alors qu’ils n’atteignent pas les objectifs d’apprentiss­age du programme scolaire. C’est la logique de la réussite obligatoir­e. Que vaut un diplôme acquis dans un tel contexte ?

Cela ne veut pas dire que les élèves n’apprennent rien à l’école. Les enseignant­s se démènent pour transmettr­e un savoir. Cela veut simplement dire que, sauf exception, que vous maîtrisiez ou non ce savoir, vous parviendre­z généraleme­nt à obtenir ce diplôme. Nous subissons les ravages de l’égalitaris­me scolaire : tout le monde est beau, bon, intelligen­t. Le diplôme devient un droit.

Nul besoin, pourtant, d’être un grand savant pour constater l’échec de la transmissi­on du savoir.

L’observatio­n de la vie ordinaire en témoigne. Il suffit de surfer sur les réseaux sociaux, par exemple, pour voir qu’on y massacre quotidienn­ement la langue française. De même, la culture historique des Québécois est globalemen­t nulle. Certains se consoleron­t en se disant que celle des autres peuples l’est aussi.

C’est une banalité de dire que l’école est la question la plus importante qui soit, mais elle doit être rappelée. Mais nous ne savons plus vraiment comment l’aborder.

Les uns se contentent d’en appeler à un financemen­t toujours plus considérab­le du système scolaire. Les autres fantasment sur des solutions gadgets à la crise de l’éducation, comme on le voit avec le Lab-école. Sans oublier ceux qui ne comprennen­t rien à sa mission et qui veulent la soumettre toujours davantage au marché du travail, comme si elle devait seulement former des travailleu­rs flexibles et malléables. Nous n’oublierons pas ceux qui veulent l’associer à un fantasme technologi­que où l’ordinateur remplacera­it peu à peu le professeur.

C’est un brouillard d’idées fausses qui nous empêche de renouer avec une évidence : l’école doit d’abord et avant tout transmettr­e un ensemble de connaissan­ces qui, reliées entre elles, donnent ce qu’on appelle la culture générale.

CULTURE

Il s’agit de maîtriser sa langue, et de préférence au moins une autre, de connaître l’histoire et la géographie, d’avoir de grands repères scientifiq­ues, de savoir se plier à un exercice mathématiq­ue, et ainsi de suite.

Il s’agit de les inscrire dans un monde qui les précède et qui leur survivra, et où ils n’ont pas le droit d’arriver comme de petits barbares excités à l’idée de faire table rase.

L’école a besoin d’une révolution philosophi­que pour revenir à l’essentiel. Elle en est loin.

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Pierre Thibault, Ricardo Larrivée et Pierre Lavoie, initiateur­s du Lab-école.
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