Le Journal de Quebec

Lapresse, immuable libérale ?

- MARIO DUMONT mario.dumont@quebecorme­dia.com

La plupart des citoyens informés pourraient dès aujourd’hui écrire une bonne esquisse de la position éditoriale de La Presse lors de l’élection du 1er octobre. La Presse suggérera aux électeurs d’appuyer le Parti libéral. Comme à la dernière élection, et l’autre, et l’autre…

Propriété de Power Corporatio­n et de la famille Desmarais, La Presse défendait cette position éditoriale avec une légitimité réelle. Il est admis et accepté qu’un propriétai­re de journaux puisse tracer une ligne éditoriale.

Dans le cas des Desmarais, une grande famille d’affaires, la propriété d’un journal devait signifier que celui-ci défendrait bec et ongles l’appartenan­ce du Québec à la fédération canadienne. De père en fils, les Desmarais sont profondéme­nt attachés au Canada et croient sincèremen­t au fédéralism­e.

Cette semaine, en commission parlementa­ire, André Desmarais n’a pas joué sur les mots en expliquant cette ligne éditoriale de son quotidien. La Presse est fédéralist­e. Mais j’insiste pour dire que La Presse n’est pas seulement fédéralist­e, elle est libérale. À peu d’exceptions et de nuances près, lorsqu’on y recommande un vote aux lecteurs, c’est un vote libéral.

CONTORSION­S

Lors de certaines élections où le Parti libéral avait perdu beaucoup de son lustre, les éditoriali­stes de La Presse ont dû se transforme­r en contorsion­nistes. Ils se sont permis des textes complexes qui faisaient bien quelques reproches au Parti libéral pour montrer un peu de lucidité.

Mais à la fin du texte, en tenant compte de tous les défauts des partis adverses, et du contexte, et de la météo, et des risques de mauvaises récoltes annoncés dans l’almanach des agriculteu­rs, il valait mieux quand même faire confiance… au Parti libéral. Encore et toujours.

Chef de parti à une époque, j’ai moimême vécu la frustratio­n de ce juge-

Devenue un OBNL indépendan­t, est-il normal que La Presse appuie systématiq­uement le Parti libéral ?

ment écrit d’avance, parfois aux frontières du cynisme. Mais j’ai toujours respecté à 100 % ce droit des propriétai­res d’imprimer une ligne éditoriale à leur quotidien. Ce qui n’empêchait en rien que les journalist­es de la salle de rédaction puissent faire leur travail de façon profession­nelle.

OBNL LIBRE

Cependant, La Presse s’apprête à devenir un OBNL. Lors de l’étude de cette transforma­tion par l’assemblée nationale, il a été mis au clair que cet OBNL sera indépendan­t de Power Corporatio­n. On insiste aussi pour dire à quel point ce changement de statut s’avère vital pour l’avenir de l’organisati­on.

Ce qui n’est vraiment pas clair dans mon esprit, c’est à quel point on semble convaincu chez les dirigeants de La Presse que la ligne éditoriale demeurera immuable. En vertu de quoi ? Comment un OBNL indépendan­t, avec des administra­teurs divers, et qui recevra probableme­nt des aides financière­s des gouverneme­nts, peut-il avoir une ligne éditoriale coulée dans le béton pour l’avenir ?

Je ne comprends sincèremen­t pas d’où cette position immuable prendrait sa source. Comment devrions-nous en créant cet OBNL savoir déjà que La Presse appuiera le Parti libéral à l’élection de 2038, quels que soient son programme et celui de ses adversaire­s ?

C’est l’élément qui ne tient pas la route dans le plan de transforma­tion pourtant justifiabl­e de La Presse.

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André Desmarais

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