EN ANGLAIS SEULEMENT please!
François-david Rouleau
Première conférence de presse officielle de la Fédération internationale de l’automobile (FIA) de la semaine du Grand Prix du Canada avec ses quatre pilotes invités, première question posée par Le Journal en français. « Veuillez répéter votre question en anglais s’il vous plaît ! »
La question était dirigée vers Lance Stroll, le pilote québécois de l’écurie Williams qui était flanqué de Valtteri Bottas, Max Verstappen et Stoffel Vandoorne sur le podium. Debout à sa gauche, le directeur des communications de la Formule 1, Matteo Bonciani a mis sa main sur l’épaule du jeune Québécois avant qu’il ne livre tout bonnement sa réponse. Bonciani a aussitôt demandé à l’auteur de ces lignes de s’exprimer uniquement dans la langue de Shakespeare.
« Nous sommes à Montréal, ville francophone, et je pose ma question à un pilote francophone, donc la question est en français », a vivement répondu le représentant du Journal.
Pas l’choix, c’est le règlement de la FIA et du grand cirque de la F1. Pourtant, la FIA, dont le siège social a pignon sur la place de la Concorde à Paris, est même présidée par un Français en Jean Todt. Et une situation d’autant plus déplorable que Stroll avait une rare occasion de s’exprimer officiellement dans sa langue natale sur le circuit de la F1 à son deuxième passage chez lui.
Les deux interlocuteurs parlent la même langue, sans compter les médias de France qui étaient présents dans la salle. À sa deuxième question, Le Journal a donc fait comme les Anglais, les Espagnols, les Allemands, les Finlandais, les Chinois et les Japonais, à Montréal…
Après la conférence, Bonciani a pris la peine d’expliquer à l’auteur de ces lignes la raison pour avoir exigé de reformuler ladite question. L’italien a voulu faire amende honorable en s’exprimant clairement dans la langue de Molière.
UNILINGUE
Puisque la conférence de presse est redif- fusée à travers la planète, l’organisme n’accepte qu’une seule langue de communication. Ainsi, même s’il se trouve chez lui, un pilote n’a d’autre option que de se conformer à la règle.
Seule exception dans le décorum officiel de la FIA : en conférence de presse regroupant les trois pilotes sur le podium. Chacun d’eux est invité à réagir dans ses mots maternels.
Bonciani a souligné qu’il avait demandé à Stroll de s’exprimer en français dans sa conférence de presse après son podium à Bakou, en Azerbaïdjan, l’an dernier.
Questionné sur le sujet, le pilote français Pierre Gasly doit se plier à la règle. Chez Toro Rosso, la recrue répond d’abord en anglais devant la presse internationale avant de rencontrer les membres de la presse de l’hexagone.
« Ce n’est pas tout à fait emmerdant, mais je n’ai pas le choix, c’est la langue comprise dans le paddock, dit le jeune homme de 22 ans né à Rouen.
COMPARAISON
Sur le circuit de la PGA et dans les championnats majeurs, les golfeurs peuvent répondre dans leur langue maternelle à tout moment, et ce, malgré le caractère officiel de la conférence.
Donc, quand le Suédois Henrik Stenson a remporté l’omnium britannique au Royal Troon en 2016, les questions des médias suédois s’entremêlaient aux questions anglophones. Et quand Sergio Garcia a enfin pu célébrer sa première conquête majeure au Tournoi des Maîtres à Augusta en 2017, il a pu exprimer sa joie en espagnol.
RÉACTIONS À QUÉBEC
Le milieu politique a vivement réagi. Le Parti québécois et Québec solidaire ont dénoncé avec véhémence cette façon de faire des instances de la F1.
« Un athlète québécois qui est obligé de parler à un journaliste francophone en anglais, c’est tout à fait insultant », a réagi la porte-parole de l’opposition officielle pour la métropole, Carole Poirier.
« La F1 ne manquait pas de défauts, mais là, on vient d’en découvrir un nouveau », a commenté de son côté Gabriel Nadeau-dubois, de Québec solidaire.