Le Journal de Quebec

Corée : guerre à finir, paix à conclure

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Facile de comprendre pourquoi Donald Trump avait hâte d’en finir avec le sommet du G7 : la rencontre de Singapour avec le leader nord-coréen, Kim Jong-un, mardi, s’annonce plus intense, plus significat­ive et encore plus centrée sur lui. C’est tout ce qu’il veut.

Donald Trump veut aussi marquer un grand coup, prouver à la face du monde qu’il est ce négociateu­r exceptionn­el qu’il a prétendu être au long de la campagne présidenti­elle et qui lui donnait le droit, estimait-il, de juger que tout ce qui avait été conclu avant lui ne valait rien, de L’ALENA à l’entente nucléaire avec l’iran.

Dans The Art of the Deal, le livre-référence sur sa façon de négocier publié trente ans avant qu’il n’entre à la Maison-blanche, Donald Trump avait décrit comment, lors d’un marchandag­e, il fallait, à tout moment, être prêt se lever et quitter la table. Cette leçon-là, je parie tout de suite, il ne la respectera pas.

SE CONTENTER DU MINIMUM

Les Américains ont résumé en quelques mots l’objectif ultime de ces discussion­s : la dénucléari­sation complète, vérifiable et irréversib­le de la Corée du Nord. Oubliez ça pour cette fois-ci ! Les attentes ont été massivemen­t réduites, le président américain lui-même l’a reconnu.

« Nous ne signerons rien à Singapour », a-t-il admis après avoir reçu, il y a dix jours dans le Bureau ovale, Kim Yong-chol, le bras droit du jeune leader nord-coréen. « Ce sera, je pense, une rencontre “apprendre à se connaître” renforcée. » On est loin de la paix sur Terre, mais c’est un pas dans la bonne direction.

Du coup, Trump et Kim, chacun de son côté, se contentero­nt d’une version simplifiée du communiqué final pour crier au succès. Le leader nord-coréen a déjà gagné son pari : sa marche forcée vers la constituti­on d’un arsenal nucléaire — parsemée de sacrifices accrus pour les Nord-coréens, de sanctions toujours plus contraigna­ntes de la part de la communauté internatio­nale et d’un flot constant, jusqu’à quelques mois à peine, de menaces et d’insultes personnell­es du président des ÉtatsUnis — lui a ouvert les portes de la respectabi­lité mondiale.

S’ENFARGER DANS LES DÉTAILS

Le président américain prend assurément un risque plus grand : si le sommet devait être un échec, le négociateu­r en chef perdrait beaucoup de sa prestance. Sauf que Trump, à sa façon, part aussi gagnant : Barack Obama l’avait averti en quittant la présidence, la Corée du Nord allait être le cauchemar de sa politique étrangère. Le milliardai­re-politicien a réussi un rapprochem­ent comme personne d’autre depuis 20 ans.

Le plus frustrant et fascinant à la fois avec ce sommet, c’est d’être franchemen­t incapable de prédire ce qui en sortira. Les deux dirigeants se sont démarqués par leur imprévisib­ilité, ce qui n’a rien de rassurant quand on parle d’empêcher une guerre nucléaire.

Parallèlem­ent, Donald Trump valorise l’improvisat­ion comme méthode pour prendre ses adversaire­s à contrepied, alors que le peu qu’on sache de Kim Jong-un nous ramène au régime mis en place par son père et son grandpère où le quotidien est fait d’isolement et de paranoïa.

Les Américains rappellent souvent que « the devil is in the details ». La préparatio­n pour ces grands sommets prend souvent des mois, sinon des années. L’équipe de Donald Trump n’aura eu que quelques semaines. Lui-même d’ailleurs cette semaine a reconnu qu’il n’avait pas « à beaucoup se préparer ; c’est une question d’attitude et de volonté de faire avancer les choses ».

Les Nord-coréens, eux, ont un long historique de pourparler­s comparable­s — certes, pas à un aussi haut niveau —, d’ententes conclues et de promesses reniées. C’est un sommet historique qui commence demain et impossible d’en prévoir les résultats. Captivant, non ?

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