Le Journal de Quebec

L’écureuil sur l’espresso

- RICHARD MARTINEAU

Diriger un pays, c’est comme élever un enfant : ça prend un minimum de cohérence.

Tu ne peux pas toujours changer d’idée, et dire une chose et son contraire dans l’espace de quelques minutes, sinon tu perds toute crédibilit­é auprès de ton enfant. Or, c’est exactement ce que Trump fait.

LE PRÉSIDENT INSTANTANÉ

Le bonhomme n’a pas d’idées : il n’a que des humeurs. Voilà pourquoi il tripe autant sur Twitter. Twitter, c’est le médium de l’instant. Voici ce que je pense maintenant. Un flash me traverse la tête ? Une émotion m’envahit ? Je les transmets tout de suite au reste du monde, au moment même où ça se passe. Dans quelques minutes, ça sera autre chose. Un autre flash, une autre émotion, peut-être tout à fait contraires à ce que je viens d’exprimer il y a quelques minutes. Twitter ne transmet pas le fruit d’une réflexion. Il montre une réflexion en train de se former. C’est comme si on pouvait entendre quelqu’un penser à voix haute en temps réel.

Dans le cas de Trump, ça peut être assez déstabilis­ant, merci. Un jour, il veut rencontrer Kim Jong-un. Le lendemain, non. Et le surlendema­in, oui.

Le matin, Justin est son meilleur ami. L’après-midi, c’est un traître. Le cerveau de cet homme ressemble à une machine à boules. Des bruits cacophoniq­ues, des lumières multicolor­es qui s’allument et qui s’éteignent sans aucun ordre apparent.

Ça pète de partout et ça part dans tous les sens, comme une machine à pop-corn.

Une réflexion sur la Corée du Nord peut être suivie d’une opinion sur une émission de téléréalit­é.

Et c’est cet homme-là qui est censé diriger le monde libre ? Ayoye. Comme si on demandait à une girouette de diriger le trafic par grands vents.

Y A-T-IL UN CAPITAINE ?

Le monde est de plus en plus complexe, de plus en plus difficile à déchiffrer, à comprendre.

D’où l’importance, pour calmer notre sentiment d’insécurité, d’avoir des chefs d’état solides, stables. Des rocs dans la tempête. Or, Trump est tout sauf stable. C’est un cerf-volant, un écureuil sur un double espresso. Au lieu de nous rassurer, il nous affole, nous alarme. Le rôle d’un parent n’est pas de transmettr­e ses incertitud­es et ses doutes à ses enfants, au contraire, c’est de les protéger du chaos du monde, de les apaiser, de leur donner l’impression qu’ils sont en sécurité, même si le vent souffle fort et que les éléments sont déchaînés.

Or, avec Trump, on a l’impression que le capitaine qui pilote le bateau est aussi perdu que nous, sinon plus. Reagan était un roc. Il avait un plan. Quel est le plan de Trump ? Il s’affole sur le pont, multiplie les ordres contradict­oires, congédie son second, remplace le chef mécanicien par un skipper, baisse les voiles, monte les voiles… Rien pour nous réconforte­r. Tout ça sent l’improvisat­ion à plein nez.

ROULER DES MÉCANIQUES

Dans Le fil de l’épée, Charles de Gaulle écrit : « L’homme de caractère incorpore à sa personne la rigueur propre à l’effort et confère à l’action la noblesse. »

Il n’y a ni rigueur, ni noblesse, ni même caractère chez Trump. Juste un gros tapon narcissiqu­e qui roule des mécaniques pour tenter d’en imposer.

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